1942-Le jour se lève
raconte :
« Contre tout bon sens, Staline rejette notre
proposition et ordonne que l’opération contre Kharkov soit poursuivie, et
pourtant plusieurs unités de notre armée sont déjà menacées d’encerclement et d’extermination.
« Je téléphone au chef d’état-major – Vassilevsky –
et je le supplie d’expliquer la situation au camarade Staline. Mais Vassilevsky
répond que le camarade Staline ne veut plus en entendre davantage. Alors je
téléphone à Staline à sa villa. Malenkov répond. Je dis vouloir parler
personnellement à Staline. Et Staline me fait dire que je peux en parler à
Malenkov. Une fois encore je réclame Staline lui-même. Il continue à dire “non”
alors qu’il se trouve à quelques pas seulement du téléphone. Après avoir
“écouté” de la sorte notre requête, Staline déclare : “Laisse les choses
comme elles sont.” »
En ce printemps de l’été 1942, l’offensive russe vers
Kharkov est un nouveau désastre sanglant.
Combien de morts ? Qui peut croire aux chiffres avancés
par l’état-major russe, 5 000 morts, 70 000 disparus et… 300 chars
détruits ?
Puis tombe le rideau noir de la censure.
Mais chaque Russe imagine ce qui en est : des dizaines
de milliers de morts ! Auxquels les Allemands ajoutent 240 000 prisonniers.
Et 1 200 chars hors de combat.
Où trouver, après ces hécatombes, du nord au sud du front, de
Leningrad à la Crimée, les réserves, le matériel pour résister à l’offensive d’été
que prépare Hitler ?
Le Führer rayonnant pérore dans sa tanière du loup.
« Les Russes sont finis », répète-t-il.
Il a eu raison d’imposer à ses généraux de résister sur
place durant l’hiver.
Qui oserait contester maintenant, après ce printemps
victorieux, qu’il est l’homme du destin, le visionnaire, qui a eu raison en mai
1940, en juin 1941 et maintenant en avril-mai 1942 ?
L’été va venir, il sera éclatant !
Ces jours-là, du printemps 1942, le correspondant de guerre
russe Vassili Grossman publie son premier roman dans L’Étoile rouge , le
journal de l’armée.
Composé à partir de ce qu’il a vécu, en première ligne, c’est
un hommage à l’héroïsme, aux sacrifices, au patriotisme du soldat russe.
Grossman a intitulé son roman : Le peuple est
immortel.
9 .
Les nouvelles du front de l’Est, le général Erwin Rommel qui
commande l’Afrikakorps les écoute chaque jour, le plus souvent dans le command-car qui lui sert de quartier général mobile.
Il parcourt le front qui serpente de la Méditerranée au
désert de Cyrénaïque.
« Je circule du matin au soir pour m’assurer que tout
est en ordre parmi les troupes. C’est très nécessaire », écrit-il à sa
femme, sa « très chère Lu ».
Souvent il fait arrêter le command-car.
Les commentaires du haut état-major sur les exploits des
troupes engagées en Russie que diffuse la radio, et le silence sur les combats
de l’Afrikakorps l’irritent.
Il se calme en marchant le long de la piste qui se déroule
entre les dunes du désert de Cyrénaïque.
Il vient d’effectuer – dans les derniers jours de
décembre 1941, et les premiers jours de janvier 1942 – une retraite
difficile, réussissant à échapper à des forces britanniques disposant d’hommes,
de tanks, d’artillerie et d’un soutien aérien incomparablement plus nombreux, plus
puissants que ceux de l’Afrikakorps.
Qui parle de cet exploit ?
« Quand on pense que nous avons ramené nos forces de 500 kilomètres
en arrière sur une bonne position, sans souffrir de trop graves dommages, et
bien que la majeure partie ne soit pas motorisée, écrit Rommel. Je ne suis pas
surpris que nos généraux “sans emploi” ronchonnent, la critique est facile. »
Il y a plus grave, explique Rommel.
« Le haut commandement allemand sous l’autorité duquel
je me trouve placé persévère à ne pas reconnaître l’importance du théâtre d’opérations
africain. On ne comprend pas qu’avec relativement peu de moyens, on peut
remporter dans le Proche-Orient des victoires qui, du point de vue économique
et stratégique, comptent beaucoup plus que la prise de la boucle du Don.
« Mais l’Afrique reste une “cause perdue” et l’acheminement
à destination de ce théâtre d’opérations de quantités importantes de matériel
ou d’effectifs nombreux n’est pas regardé comme “rentable”.
« Vue de
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