1942-Le jour se lève
blessés,
laissent crever de faim les prisonniers russes.
Et les complices détournent la tête quand les Einsatzgruppen de Himmler massacrent des dizaines de milliers de Juifs.
L’Afrikakorps n’extermine pas les populations clairsemées
qui nomadisent dans le désert.
Il n’abat pas les prisonniers britanniques.
Il avance de plusieurs centaines de kilomètres et au
printemps de 1942, il a besoin de reprendre son souffle, de réviser son
matériel. Il s’arrête. Le paysage a changé.
« Tout est vert maintenant en Cyrénaïque, écrit Rommel,
même des endroits habituellement désertiques disparaissent sous un tapis
verdoyant. Il fait délicieusement chaud au niveau de la mer bien qu’il y ait
aussi beaucoup de vent.
« À 750 mètres d’altitude, là où nous nous
trouvons, il fait maintenant froid. Mais l’aube prend une beauté fantastique
dans ce pays de montagnes aux sommets plats… »
Les généraux allemands et italiens – Kesselring, Cavallero,
Bastico, l’amiral Weichhold – lui rendent visite.
On le sermonne, on lui intime la prudence. Il n’aura pas de
renforts. La grande partie va se jouer sur le front de l’Est dans l’été 1942. Le
Führer a conçu de vastes offensives qui détruiront les Russes. Et l’Angleterre
capitulera.
Rommel écoute. Mais il forge ses plans pour une nouvelle
offensive, à compter du mois de mai 1942. Il se sent porté par le destin, protégé
par Dieu.
« Un éclat d’obus est entré tout dernièrement par la
fenêtre, écrit-il. Il est venu terminer sa course contre mon estomac après
avoir traversé mon manteau et ma veste. Il ne m’a laissé qu’une contusion
multicolore, de la grandeur d’une assiette. C’est mon pantalon qui l’a
finalement arrêté. Une chance du diable ! »
Le général italien Bastico vient lui remettre une nouvelle
décoration italienne.
« Je ne peux pas dire que j’en éprouve une joie
délirante. J’aimerais mieux un peu plus de soldats ! »
Le 12 mai 1942, il écrit à sa femme :
« De la chaleur et une quantité de poussière…
« Une certaine animation se manifeste sur notre front. Les
Anglais nous attendent et nous les attendons. Les deux armées vont un jour
prochain mesurer leur force.
« Vous ne tarderez pas à en entendre parler par les
journaux.
« Nous espérons tous que nous pourrons provoquer la fin
de la guerre cette année.
« Cela va faire bientôt trois années entières… »
10 .
Rommel, qui rêve de provoquer « la fin de la guerre »
en cette année 1942, ne se souvient plus du discours que le Führer a prononcé, le
30 janvier 1942 au Sportpalast de Berlin.
C’est une cérémonie rituelle qui commémore chaque année l’arrivée
au pouvoir de Hitler, le 30 janvier 1933.
Dans la salle du Sportpalast, les hommes en uniforme qui
composent l’assistance applaudissent longuement chacune des phrases que Hitler
prononce d’une voix saccadée, les poings souvent brandis à hauteur de son
visage.
Et comme Rommel il évoque la fin de la guerre, mais la
perspective est différente !
« Nul ne devrait douter, martèle Hitler, déchaînant l’enthousiasme,
que cette guerre ne peut finir que par l’extermination des peuples aryens ou la
disparition de la juiverie d’Europe.
« Pour la première fois va désormais s’appliquer l’antique
règle juive : “Œil pour œil, dent pour dent !”
« La juiverie mondiale devrait savoir que plus la guerre
s’étend, plus l’antisémitisme se répandra également. Il va grandir dans chaque
camp de prisonniers de guerre, dans chaque famille qui comprendra les raisons
pour lesquelles elle doit, au fond, faire ses sacrifices. »
La voix de Hitler s’amplifie, prophétique.
« Et l’heure sonnera où le plus vieil ennemi de tous
les temps aura fini son rôle pour au moins un millénaire. »
Ce discours est l’écho des résolutions de la conférence de
Wannsee, du 20 janvier 1942, qui organisait la « solution finale ».
« Les Juifs sont traités de manière beaucoup trop
humaine », estiment les Allemands, en pensant au sort des soldats du front
de l’Est.
« La chose à faire serait d’exterminer toute cette
engeance ! »
À Varsovie, Chaim Kaplan, qui dirige une école hébraïque, note :
« Pour nous le discours de Hitler est la preuve que ce
que nous tenions pour des rumeurs sont des faits réels. Il confirme la nouvelle
orientation de la
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