1942-Le jour se lève
myope, tragiquement erronée ! »
Pourtant, Rommel ne met pas en cause Hitler. Au contraire.
« Le Führer semble approuver tout ce que j’ai fait et a
été plein de louanges et d’admiration », dit-il.
Rommel ne renonce donc pas à agir. Ignorant les résistances,
les ordres, il veut lancer une contre-offensive, reprendre le terrain perdu, s’emparer
de Benghazi et de Tobrouk. Il rêve même au Caire, au Nil, l’artère vitale de l’Empire
britannique. Il est euphorique, sûr de lui, comme si ce soleil déjà chaud à
midi, « comme par une belle journée de printemps chez nous », était
un signe de la Providence.
« J’ai, écrit-il, la foi la plus complète que Dieu
étend sur nous Sa main protectrice et qu’il nous accordera la victoire. »
Mais il ne confie pas ses projets.
« On me croirait fou, écrit-il à sa femme. Je ne le
suis pas, je vois simplement un peu plus loin qu’eux. Mais vous me connaissez. Je
combine mes plans au début de chaque matinée et combien de fois l’an dernier, en
1941, et en France en 1940, ont-ils été mis à exécution en l’espace de quelques
heures ! C’est ainsi que cela doit être et que ce sera à l’avenir… »
Il lance sa contre-attaque le 21 janvier 1942.
« Après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, j’ai
décidé de courir le risque. »
Il est d’autant plus déterminé qu’un convoi de cinq cargos a
réussi à traverser la Méditerranée sans subir les attaques de la Royal Air
Force et de la Royal Navy.
« Cela vaut une victoire ! » s’exclame Rommel.
Des navires, on décharge 55 chars et 20 autos
blindées.
L’Afrikakorps va pouvoir aligner 111 chars en première
ligne, 28 à l’arrière, et de leur côté les Italiens disposent de 89 chars.
Rommel sait bien que, comparée aux centaines de chars et aux
centaines de milliers d’hommes qui s’affrontent sur le front russe, « sa »
guerre apparaît comme le jeu fair-play de combattants chevaleresques.
D’ailleurs Rommel rend hommage aux Britanniques :
« Je serais fier de commander de tels soldats », dit-il
en voyant passer un groupe de prisonniers.
Et les Anglais écrivent sur la porte d’une maison qu’ils
occupaient à Benghazi – la ville est reconquise par Rommel : « Gardez-la
propre, nous reviendrons bientôt. »
Rommel méprise davantage ses « alliés » italiens, et
même certains généraux du haut commandement allemand, que ses adversaires !
« J’ai gardé le secret sur l’attaque du groupe blindé, dit-il.
« Je n’en ai parlé au préalable ni aux Italiens ni au
haut commandement allemand. Nous savons par expérience que le quartier général
italien ne sait rien garder pour lui et que tout ce qu’il télégraphie à Rome
parvient aux oreilles anglaises. »
C’est ainsi une guerre « singulière » que se
livrent, en ce premier mois de 1942, l’armée britannique et l’Afrikakorps.
Dans ce désert vide d’hommes, à l’exception de quelques
tribus de nomades, dans l’immensité de la Cyrénaïque, ce sont des allers et
retours de quelques centaines de chars.
Et une fois Benghazi repris aux Anglais, Rommel continue sa
course vers le Nil.
« Nos adversaires se sauvent comme s’ils avaient été
piqués par la tarentule », dit-il.
« Avec nos douze pièces antichars, nous bondissons d’une
position de tir à une autre pendant que nos panzers, à l’arrêt et dissimulés
jusqu’à la tourelle si possible, nous couvrent de leur feu, explique un officier
de l’état-major de Rommel. Puis nous nous installons de manière à pouvoir les
couvrir à notre tour tandis qu’ils avancent de nouveau. Cette tactique est
efficace et malgré l’intensité de leur tir, les chars ennemis ne peuvent pas
contenir notre progression. Ils subissent des pertes constantes et doivent sans
cesse céder du terrain. »
Guerre « propre » si on la compare à l’acharnement
sauvage des combattants – Russes et Allemands – du front de l’Est ?
Ici un officier allemand note, après avoir insisté sur les
qualités du canon de 88 mm employé par l’Afrikakorps aussi bien contre les
chars que contre les avions :
« Ce canon, me disent des prisonniers britanniques, est
une arme déloyale contre les chars ! »
Ce mot, s’il était connu, ferait ricaner de mépris les
soldats de l’Est, qui souvent se battent au corps à corps, achèvent les
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