1942-Le jour se lève
général Henri Giraud qui vient de s’évader de la
forteresse de Königstein où il était retenu, après avoir été fait prisonnier. Giraud
refuse de se rendre à Londres, écrit une lettre à Pétain, respectueuse, se
déclare candidat à la conduite de la résistance aux Allemands dans toute l’Europe.
Contre ce rival, de Gaulle n’a que la ressource de s’appuyer
sur la résistance intérieure, et le rôle de Jean Moulin l’unificateur est donc
décisif.
Mais les tensions sont vives.
De Gaulle s’exclame devant les officiers de son état-major :
« J’ai signé des accords avec les Britanniques, ils ne
les respectent pas, à Madagascar, au Levant… Engagez-vous dans l’armée
canadienne, messieurs, au moins vous vous battrez contre les Allemands. La
France Libre, c’est fini ! Messieurs, je vous salue. »
Il écrit à « ses compagnons au service de la France »,
les généraux Leclerc, Larminat, Catroux :
« Si mes soupçons se réalisaient, je n’accepterais pas
de rester associé aux puissances anglo-saxonnes… Il faudrait avertir le peuple
français et l’opinion mondiale par tous les moyens en notre pouvoir et
notamment par radio des raisons de notre attitude… »
Il sait que les ministres anglais sont inquiets, car l’opinion
britannique est favorable à de Gaulle et à la France Libre.
Anthony Eden, le ministre des Affaires étrangères, rencontre
de Gaulle qui ne cache pas son amertume.
« Vous ne nous soutenez qu’à moitié, dit de Gaulle. Les
Américains font tout ce qu’ils peuvent pour nous nuire. Si les conditions
actuelles durent, un jour ou l’autre nous nous disloquerons. Si c’est ce que
vous cherchez, il vaut mieux le dire, mais rendez-vous compte des conséquences.
Avec nous, c’est la France elle-même qui se disloquera… »
Churchill, Eden entendront d’autant mieux ce message que la
résistance intérieure, patriotique, se renforce. Les communistes (Francs-Tireurs
et Partisans Français – FTP –, Main-d’Œuvre Immigrée – MOI) multiplient,
en dépit de leurs pertes, les attentats et les sabotages. De Gaulle apparaît
comme le seul capable de les « contrôler », parce que, portée par la
BBC, la voix de la France Libre se fait entendre et que l’opinion se mobilise
contre l’occupant. Et ce, des deux côtés de la ligne de démarcation, en zone
occupée comme en zone libre.
À Lyon, vraie capitale de la zone libre, quand l’Orchestre
philharmonique de Berlin, dirigé par Krauss, l’un de ses chefs les plus
prestigieux, donne un concert dans la salle Rameau, des centaines de
manifestants – dont de nombreux Alsaciens-Lorrains – se rassemblent
devant la salle, défilent en chantant La Marseillaise , et se heurtent à
la police.
Quelques semaines plus tard, le chef d’orchestre Paul Paray
vient diriger dans la même salle un concert « expiatoire » où l’on ne
joue que des œuvres de compositeurs français, et qui se termine par une Marseillaise ,
chantée à pleine voix par toute l’assistance.
À Perpignan, une charge explosive détruit le bureau de
recrutement de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme.
Ce printemps 1942 révèle que la population de la zone libre
est entrée en dissidence, que le retour de Laval identifie le gouvernement de
Vichy à la collaboration sans retenue avec les nazis.
De Gaulle, à la radio de Londres, donne à ce changement, par
la force de son verbe, l’écho puissant qui à son tour amplifie l’évolution de l’opinion.
« Hitler en sera pour sa rage et Vichy pour son infamie,
dit de Gaulle. La France a choisi son camp, et c’est le camp des vainqueurs. »
Le 30 avril 1942, il appelle à célébrer « le 1 er mai,
fête nationale, parce que, dans les pires drames de notre Histoire, c’est du
peuple laborieux que se levèrent toujours les grandes vagues profondes dont la
patrie sortit sauvée, libérée, renouvelée ».
Il sait que les syndicalistes, les socialistes, les
communistes engagés dans la Résistance attendent cet appel à manifester.
« Demain 1 er mai, à partir de 18 h 30,
tous les Français, toutes les Françaises passeront silencieusement et
individuellement devant les statues de la République et devant les mairies de
nos villes et de nos villages. »
En zone occupée, ce 1 er mai 1942, des trains
de permissionnaires allemands déraillent à Caen, des attentats ont lieu. La
population
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