1942-Le jour se lève
commandement allemand immobilise en France les dix
à douze divisions supplémentaires nécessaires à l’occupation de la zone libre »,
répète Darlan.
Le ministre d’État Henri Moysset ajoute :
« Voilà pourquoi le génie politique pour le Maréchal
est de gagner la fin de cette année 1942 sans modifier quoi que ce soit de
position. »
Face à face avec Pétain, Moysset ajoute, parlant lentement
et plus fort pour que le Maréchal l’entende, le comprenne :
« L’Allemagne a perdu la guerre. Elle entraînera dans
son gouffre tous ceux qui auront marché ou semblé marcher dans son sillage. Prenez
garde, monsieur le maréchal, de ne pas survivre à votre gloire. »
Mais Paul Marion, chargé de l’information, est un ardent
partisan de Laval.
Il présente Laval comme le « sauveur, la mesure de
protection ultime pour éviter le pire… barrer la route aux entreprises de Goering,
à la polonisation, au massacre des otages ».
Le jeudi 16 avril, Pétain reçoit Laval et capitule. Laval
sera chef du gouvernement.
Le vendredi 17 avril 1942, au pavillon Sévigné, se
tient le dernier Conseil des ministres du gouvernement Darlan.
— Messieurs, j’agis sous la contrainte, dit le Maréchal
en faisant circuler la lettre collective de démission.
Le lundi 20 avril 1942, recevant quelques-uns des déjà
anciens ministres, Pétain leur dira, et certains ont eu l’impression qu’il
allait pleurer :
— Plaignez-moi, car, vous savez, maintenant je ne suis
plus qu’un homme à la dérive.
13 .
Pour le maréchal Pétain, qui vient ce 17 avril 1942 de
capituler à nouveau, d’abandonner le pouvoir à Laval, c’est-à-dire aux nazis, mais
qui implore aussi la compassion, de Gaulle est impitoyable.
Il se rend le 18 avril au siège de la BBC.
Chaque jour, il mesure l’écho de plus en plus grand des
émissions de la France Libre. Des millions de citoyens sur le territoire
national, en Afrique du Nord, écoutent « Les Français parlent aux Français »,
cette émission qui sape la propagande vichyste, allemande.
« Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand », chantonne
l’humoriste Pierre Dac. Et Maurice Schumann, de sa voix brûlante, exalte les
patriotes, dénonce les collaborateurs, stigmatise l’ennemi, ces bourreaux qui
fusillent les otages par dizaines.
Les affiches noir et jaune apposées sur les murs, signées du
général Schaumburg, commandant du Gross Paris , annoncent que, à la suite
du meurtre d’un soldat allemand, « vingt communistes et Juifs, appartenant
aux mêmes milieux que les auteurs de l’attentat, seront fusillés et que vingt
autres seront passés par les armes, si les coupables ne sont pas découverts ».
Les Allemands ont transformé la grande salle de la présidence de la Chambre des
députés en tribunal, décoré de croix gammées. Von Stülpnagel et son état-major
viennent assister aux audiences. Parfois, c’est la grande salle de la Maison de
la chimie qui devient siège du tribunal, avec, tapissant les murs, les croix
gammées noires sur fond blanc et rouge.
On juge 27 accusés le 15 avril, pour meurtres et
sabotages. Le 16 avril, 23 d’entre eux sont condamnés à mort.
Ils seront exécutés, le 17 avril 1942, au mont Valérien.
Ce jour-là, à Vichy, c’est la passation des pouvoirs de l’amiral
Darlan à Pierre Laval.
Ce même jour, les instructions du Führer sont transmises au
général von Stülpnagel :
« Pour chaque attentat, vingt exécutions, dont cinq
immédiatement et quinze, cinq jours plus tard, si les auteurs ne sont pas
arrêtés. En outre, cinq cents otages sont à déporter pour chaque attentat. »
« Plaignez-moi », a dit Pétain, de sa voix
implorante de vieillard prêt à toutes les capitulations pour conserver les
apparences du pouvoir.
De Gaulle, quand il commence à parler devant le micro de la
BBC, ce 18 avril 1942, se souvient de ces noms des fusillés que les
réseaux de résistance transmettent à Londres.
Il salue cette « France qui combat », il fustige « les
traîtres de Vichy », il analyse le choix de Hitler.
Le Führer, dans « sa volonté de pervertir la France
pour mieux l’asservir et l’exploiter, délègue l’exercice de l’oppression à des
gens plus spécialement habiles dans l’art de corrompre et de terroriser… contre
le monde et contre la France, il se sert de l’infamie et de la trahison ».
De Gaulle n’a pas de compassion
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