1942-Le jour se lève
le
flanc ouest ou sud de l’Europe occupée.
En France ? En Afrique du Nord ? En Italie ? Dans
les Balkans ?
Staline est impatient.
Les offensives allemandes du printemps et de l’été 1942 ont
pénétré dans le Donbass, le Caucase, atteint en plusieurs points la Volga. Stalingrad,
sur les bords de ce fleuve qui symbolise – avec le Don, la Neva – la
Russie, l’éternelle et immense Russie des patriotes russes, est menacée.
Qu’attendent les Anglo-Américains ? questionne Staline,
soupçonneux, insistant.
Churchill et Roosevelt ne cherchent-ils pas à obtenir l’effondrement
simultané de l’Allemagne et de la Russie ? Que ces nations s’entr’égorgent
et le monde sera nôtre !
Or Londres et Washington savent tout ce que représentent
dans cette guerre la Russie et ses millions de combattants. Ils veulent
détruire le nazisme. Ils ont besoin d’Uncle Joe qui fixe des millions de
soldats allemands.
Il faut donc satisfaire Staline : ouvrir au plus vite
un second front.
Que pèsent le destin du peuple juif, le suicide de Szmul Zygieboym
face à cette exigence politique et stratégique ?
On saluera la protestation désespérée du représentant du
peuple juif, son héroïsme, l’acte d’espoir qu’il accomplit en se suicidant, mais
on ne changera rien aux plans de guerre.
Et en ce mois d’août 1942, dans la nuit du 18 au 19, des
unités amphibies anglo-canadiennes se dirigent vers Dieppe afin de s’emparer
pour quelques heures du port, de détruire les radars, le terrain d’aviation
voisin, les batteries d’artillerie installées dans le voisinage de la ville.
L’armada anglo-canadienne est commandée par lord Mountbatten.
Elle est imposante pour un raid aux objectifs limités : 6 000 hommes,
dont 4 700 Canadiens français.
C’est qu’il s’agit non seulement de détruire des objectifs
précis, mais d’éprouver les défenses allemandes, et de maintenir la pression
sur la Wehrmacht afin qu’elle conserve à l’Ouest des forces qui, sinon, renforceraient
la puissance allemande en Russie.
Des Français Libres du commando de Philippe Kieffer – une
quinzaine d’hommes – participent à l’opération. Des Forces navales
Françaises Libres, des escadrilles des Forces aériennes Françaises Libres y
sont aussi engagées.
Il s’agit bien d’un corps de débarquement – 253 péniches,
des dragueurs de mines, des destroyers – qui va affronter des unités
allemandes puissantes appuyées par toutes les forces de la Luftwaffe déployées
à l’ouest de l’Europe.
L’opération baptisée Jubilee commence à 3 h 45,
quand retentissent les premières explosions. Il n’y a pas eu de préparation
aérienne pour conserver l’avantage de la surprise.
Or un convoi côtier allemand croise un des groupes de
débarquement, et l’alerte est ainsi donnée.
Les combats sont acharnés, les pertes lourdes.
À 6 h 15, la BBC diffuse puis répète le message
suivant, adressé à la population civile qui se terre :
« Français, ceci est un coup de main et non pas l’invasion.
Nous vous prions instamment de n’y prendre part en aucune façon. »
Des Canadiens ont pénétré jusqu’au centre de Dieppe et
livrent des combats de rue dans la ville, comme à Berneval, à Varengeville, à
Puys.
Mais les objectifs ne sont pas atteints : les
Anglo-Canadiens ne réussissent pas à établir une tête de pont durable, qui leur
aurait permis de réaliser la destruction des objectifs prévus : l’aérodrome
de Saint-Aubin, la batterie côtière d’Arques-la-Bataille.
Il faut rembarquer en laissant sur le terrain près de 1 000 morts
et 2 000 prisonniers. Les Allemands ont eu plus de 800 tués. La
marine a perdu un destroyer, le Berkeley , plus de 100 avions « alliés »
ont été abattus. Des pilotes Français Libres ont participé aux combats, comme
les hommes du commando Kieffer.
C’est, depuis juin 1940, le premier engagement sur le sol
français entre des troupes alliées anglo-canadiennes et françaises (même si la
participation de la France Libre est plus symbolique que déterminante), et les
troupes allemandes.
Et la Wehrmacht crie victoire, présentant l’opération comme
une tentative de débarquement, rendant hommage à la « collaboration »
de la population civile, qui a respecté les consignes de la Kommandantur, renseigné
les soldats, leur offrant des boissons, leur indiquant les positions tenues par
les
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