1942-Le jour se lève
comme
Stalingrad – conquérir et détruire.
Trois millions de civils y sont pris au piège, soumis à d’incessants
bombardements aériens.
Et la ville ne tombe pas, en dépit de ce million de morts, victimes
de la faim, du froid, des bombardements.
« Pour se chauffer, on brûle ses meubles, ses livres, mais
bientôt ces combustibles s’épuisent.
« Pour remplir leurs estomacs vides, pour amoindrir la
terrible souffrance de la faim, les gens recourent à d’incroyables palliatifs. Ils
essaient d’attraper des corbeaux, des corneilles, les chats ou les chiens
encore vivants…
« Ils explorent leur armoire à pharmacie en quête d’huile
de ricin, d’huile pour les cheveux, de vaseline ou de glycérine. Ils font de la
soupe avec de la colle de charpentier, récupérée sur le papier peint arraché ou
sur des meubles démembrés.
« La mort vous saisit en toute occasion : dans la
rue, on tombe pour ne plus se relever ; chez soi, on s’endort pour ne plus
se réveiller ; à l’usine, on s’écroule durant le travail.
« Il est presque impossible de trouver un cercueil. Des
centaines de cadavres sont abandonnés dans le cimetière ou alentour, la plupart
du temps enveloppés d’un simple drap. Les autorités ont, dans l’hiver 1941-1942,
fait ouvrir d’immenses fosses par les troupes de la défense civile, à l’aide d’explosifs.
On n’a plus la force de creuser les tombes dans la terre gelée. »
Mais la ville résiste.
Toute la population est requise. Affamées, grelottant de
froid dans des tenues légères, les jeunes filles du Komsomol de Leningrad
construisent par -40 °C une route à travers la forêt pour relier la ville
à une voie ferrée.
On fusille ceux qui se procurent des cartes d’alimentation
supplémentaires, ceux qui cèdent à la panique, ceux qui oublient ainsi l’ordre
du jour de Staline « plus un pas en arrière ».
Et la ville résiste, franchit l’hiver de 1942.
Mais alors que le front, en août, paraît se stabiliser, voilà
qu’on apprend que Kharkov et Sébastopol, dans le Sud, sont tombées. Que le
drapeau à croix gammée flotte au sommet de l’Elbrouz et que Stalingrad est
menacée.
C’est l’été noir de 1942.
À Leningrad, on a le sentiment que si Stalingrad tombe, Leningrad
sera anéantie à son tour.
Si au contraire…
On pressent que le sort de la ville de Staline détermine le
sort de la ville de Lénine.
Au Grand Quartier Général de Vinnytsia, le Führer s’emporte
contre ces généraux qui, devant la résistance russe à Stalingrad, prêchent pour
le recul de la VI e armée de Paulus, jusqu’à la boucle du Don.
Hitler éructe, injurie, menace.
Heureusement, le 25 octobre 1942, le général Paulus
fait savoir au Führer que la prise de Stalingrad sera chose faite le 10 novembre
au plus tard.
Hitler est aussitôt rasséréné. La réalité semble rejoindre
ses visions.
Il indique déjà les mouvements que devront faire la IV e et la VI e armée, une fois Stalingrad conquise.
Il sait pourtant que leur flanc, le long du Don, est menacé,
que seules des troupes hongroises, roumaines, italiennes, ne possédant ni
blindés, ni artillerie, ni transports de fantassins, sont en couverture des
armées allemandes.
Si elles cèdent, la VI e armée de Paulus peut
être encerclée.
Hitler paraît ne pas envisager cette hypothèse que les
rapports qu’on lui a remis évoquent.
Hitler secoue la tête, serre les poings.
« Là où un soldat allemand a posé le pied, il l’y
laisse », répète-t-il d’une voix sourde.
31 .
Le soldat allemand, en cet automne 1942, marche dans les
faubourgs de Stalingrad qui ne sont plus qu’un immense champ de gravats et de
ruines.
La Luftwaffe a la maîtrise du ciel, une journée de
bombardements tue 40 000 personnes et les habitants, les soldats
blessés, essaient de quitter la ville, située sur la rive droite de la Volga.
Il leur faut traverser le fleuve, large de 1 500 mètres
et soumis aux attaques aériennes le jour, et la nuit aux bombardements
incessants de l’artillerie et des mortiers allemands.
Mais on veut rejoindre cette rive est qui constitue l’« arrière »
de Stalingrad.
L’écrivain Viktor Nekrassov, lieutenant à Stalingrad, écrit :
« Vers la fin octobre, alors qu’il ne nous reste plus
que quelques têtes de pont sur la rive droite du fleuve, nous disposons d’un
nombre très réduit d’unités : 20 000 hommes
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