1943-Le souffle de la victoire
maintenant, tout à la fois par
Vichy et la Gestapo qui, en partie grâce aux méthodes de certains éléments des
mouvements, n’ignore rien de mon identité ni de mes activités.
« Ma tâche devient donc de plus en plus délicate alors
que les difficultés ne cessent d’augmenter. Je suis bien décidé à tenir le plus
longtemps possible, mais si je venais à disparaître, je n’aurais pas eu le
temps matériel de mettre au courant mes successeurs. »
Conscient du danger de plus en plus grand qu’il court, Moulin
ne peut cependant cesser d’agir au moment où les efforts déployés depuis des
mois ont abouti.
Chaque acteur est emporté par la nécessité.
Le général Delestraint, chef de l’Armée Secrète, multiplie
les contacts. Il faut organiser les maquis, voir les chefs de réseau, établir
une stratégie. Et Delestraint – qu’on désigne sous les noms de Vidal ou de
Mars – est aussi menacé que Max-Rex.
De Gaulle sait les périls que courent Max et Vidal.
Mais, dit-il, « dans la nuit de l’oppression, comme au
grand jour des batailles, la France pense à son avenir ».
Le 30 mai 1943, de Gaulle peut enfin se rendre à Alger.
Giraud et ses mentors – Churchill et Roosevelt – sont
bien contraints d’accueillir l’homme du 18 Juin qui a rassemblé autour de
lui toute la Résistance. Cette unité, sa force, c’est le Conseil National de
la Résistance qui la lui confère.
Le 3 juin 1943 est constitué à Alger le Comité
Français de Libération Nationale (CFLN), coprésidé par de Gaulle et Giraud.
« Ce qui est enjeu, dit de Gaulle, c’est notre
indépendance, notre honneur, notre grandeur, c’est non seulement la liberté de
la France martyrisée, mais la vie même de ses enfants livrés au pouvoir de l’ennemi.
« La route à parcourir est encore longue et cruelle. Mais
regardez, voici qu’apparaît l’aurore radieuse d’une victoire qui sera aussi
celle de la France. »
Pourtant, rien n’est joué.
Churchill arrive à Alger. Il a demandé à Anthony Eden de
venir de Londres « pour être le garçon d’honneur au mariage Giraud-de
Gaulle ».
De Gaulle rencontre le Premier ministre anglais.
Churchill n’a pas renoncé à « contrôler » ce de
Gaulle qui « n’est pas tendre pour l’Angleterre ». Et les
Anglo-Américains disposent parmi les Français de complices. Ainsi Jean Monnet, venu
de Washington, conseiller de Roosevelt. En 1940, il a refusé de rallier la
France Libre, bien qu’en poste à Londres.
De Gaulle se méfie. Il prend déjà ses distances avec le CFLN
dans lequel il ne veut pas se laisser engluer.
« Comme il était à prévoir, nous sommes ici en pleine
crise, écrit-il dès le 12 juin. La cause profonde est la dualité
persistante entre Giraud et nous, dualité soigneusement ménagée par Monnet qui
y voit le moyen d’exercer son arbitrage, c’est-à-dire sa direction.
« Monnet, naturellement, est le truchement de l’étranger. »
Dans les « dîners » algérois, Monnet s’en va, répétant
que de Gaulle est un « danger public ». Mais cela, de Gaulle en est
convaincu, sera balayé par la « force des choses ».
« Giraud-de Gaulle, explique-t-il, le premier nom a un
sens militaire. Le second un sens national, qu’on le veuille ou non. Quand nous
rentrerons en France, mon rôle ne sera plus de commander une grande unité, bien
que je le préférerais, mais de veiller au grain pour que la résurrection du
pays ne soit pas le signal du désordre… »
Comment s’attarder à ces médiocres stratagèmes, alors que l’on
reçoit un message de Jean Moulin où s’expriment la tristesse, le courage et l’angoisse
d’un homme pourchassé ?
« Mon Général, écrit Jean Moulin,
« Notre guerre à nous aussi est rude. J’ai le triste
devoir de vous annoncer l’arrestation par la Gestapo, à Paris, de notre cher
Vidal – le général Delestraint. Les circonstances ? Une souricière
dans laquelle il est tombé avec quelques-uns de ses nouveaux collaborateurs… Permettez-moi
d’exhaler ma mauvaise humeur, l’abandon dans lequel Londres nous a laissés, en
ce qui concerne l’Armée Secrète.
« Vidal s’est trop exposé. Il a trop payé de sa
personne. »
Et Moulin ?
La conscience des dangers qu’affrontent Moulin et les
résistants rend encore plus insupportables les manœuvres d’un Jean Monnet et de
ses séides.
« Il faut avoir le cœur bien
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