1943-Le souffle de la victoire
autorité !
Il n’est même plus une apparence.
La réalité de la France, c’est, tout au long de cet automne,
les patriotes qui, par dizaines, restent les yeux ouverts face aux pelotons d’exécution.
Martial Brigouleix, socialiste, chef départemental de l’Armée
Secrète en Corrèze, écrit aux siens, à la veille de son exécution :
« Conservez un moral à la hauteur du nôtre : que
la vie sera plus belle après… Vive la France ! »
Brigouleix est fusillé le 2 octobre 1943, au mont
Valérien, en même temps que 49 autres patriotes.
Trente autres tombent le 6 octobre.
Le 7 octobre, 46 « terroristes » sont
condamnés à mort.
Le 12 octobre, un tribunal composé d’officiers de la Wehrmacht,
de la Luftwaffe, et de la Hitlerjugend, prononce sous la présidence d’un
magistrat 23 peines capitales.
Lorsque, avant le verdict, la parole leur est donnée, ils
paraissent rayonnants.
« Au moment où vous demandez ma tête, dit l’un, je
tiens à vous dire que je n’ai aucune haine contre l’Allemagne… Mon pays est en
guerre, n’est-ce pas votre grand Schiller qui a dit : “Avant la vie il y a
l’honneur” ? »
Un autre déclare :
« C’est Fichte qui disait à la jeunesse allemande lors
de l’occupation napoléonienne : “Devant l’occupant, restez dignes et
résistez.” C’est simplement ce que nous avons fait. »
Les patriotes tombent ainsi par centaines.
Et la Gestapo et l’Abwehr « retournent » des
résistants capturés que la torture ou la peur ont brisés. Ils parlent, livrent
leurs camarades. Les réseaux sont démantelés. De nouveaux martyrs sont exécutés.
Moulin et Delestraint sont tombés en juin. Brossolette, en
mission en France, écrit à Passy :
« Je te signale pour terminer que je suis depuis huit
jours en état de “grande alerte”. Nos amis qui sont bien avec la Gestapo m’ont
prévenu que celle-ci manifeste pour moi en ce moment une conspiration toute
spéciale, comportant souricières de luxe et surveillance avec palme de vermeil.
Je fais très attention. Et puis la nuit tombe tôt. C’est d’ailleurs ce qui nous
sauve tous. Si nous étions en août, nous serions tous en taule ou contraints à
l’inaction. Vive la nuit par conséquent !
« Je t’embrasse en bon vieux frère. »
Et cependant, il faut agir, faire du 11 novembre 1943
une journée de manifestations sous toutes les formes.
Les ouvriers des usines métallurgiques de la région
parisienne cessent le travail entre 11 heures et midi.
Dans la région du Havre et de Rouen, en Charente, le
mouvement de grève est suivi à 80 %. Des drapeaux français ont été
accrochés au haut des cheminées. On fleurit les monuments aux morts. On lâche
des ballons tricolores que la DCA allemande prend pour cibles.
Dans les prisons, les patriotes détenus ont confectionné de
petits drapeaux tricolores que les gardiens tardent à arracher.
À Montpellier, des cartes d’alimentation volées par les
résistants sont distribuées à la population, accompagnées d’un tract :
HONNEUR ET
PATRIE
Ce cadeau
vous est offert par les Mouvements Unis
de Résistance
à l’occasion du 25 e anniversaire
de la défaite
allemande
VIVE LA FRANCE
VIVE DE
GAULLE
Dans l’Ain, le capitaine de réserve de l’armée de l’air, Petit,
que l’on connaît sous le pseudonyme de Romans, commande les maquis de la région.
Il a décidé de faire de ce 11 novembre 1943 une date inoubliable.
Il organise la « prise » de la ville d’Oyonnax, qui
compte 12 000 habitants. Des camions transportent les maquisards
jusqu’aux abords de la ville qui est isolée afin de la protéger d’une
intervention allemande.
Puis les maquisards défilent, précédés du drapeau entouré de
sa garde d’honneur.
Il s’agit d’un « vrai défilé militaire », afin de « démontrer,
écrit Romans-Petit, que les chefs des maquis sont des officiers pour la plupart ».
« Lorsque je lance d’une voix forte : “Maquis de l’Ain
à mon commandement”, à la stupéfaction de la foule succède le délire. Les
hommes, les femmes, les enfants crient “Vive le maquis, vive la France”, applaudissent
à tout rompre et cela jusqu’au monument aux morts. »
Les sections sont flanquées de leurs cadres en uniforme. Les
clairons sonnent. Les maquisards de la garde d’honneur du drapeau sont en
uniforme et portent des gants blancs.
Ça l’« armée
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