1943-Le souffle de la victoire
pas pensable. L’Allemagne sombrerait et nous avec. »
Mais la situation de l’Allemagne, en cette fin d’année 1943,
est désastreuse.
Sur le front de l’Est, les deux tiers des territoires
occupés au cours des deux années précédentes ont été libérés.
Les Russes traversent le Dniepr. Kiev tombe le 6 novembre
1943. Le bassin industriel du Donetz est perdu, les Allemands évacuent la
Crimée.
Les armées soviétiques du sud approchent des frontières
polonaise et roumaine.
Cette année 1943 est bien celle du « grand tournant »,
car les Allemands perdent aussi la bataille de l’Atlantique.
Les Anglais ont équipé de radars leurs avions et leurs
bâtiments de surface. Les sous-marins allemands, les U-Boote, sont
repérés et détruits. Au cours des quatre derniers mois de 1943, ils coulent 67 bâtiments
alliés, mais au prix de la perte de 64 sous-marins.
Hitler refuse de prendre en compte cette situation.
« Il n’est pas question, hurle-t-il, d’un
ralentissement de la guerre sous-marine. L’Atlantique est ma première ligne de
défense à l’Ouest. »
L’amiral Dönitz, spécialiste de la guerre sous-marine, retire
de sa propre autorité les sous-marins de l’Atlantique Nord.
Le 12 novembre 1943, il écrit dans son Journal , après
avoir subi la colère du Führer :
« L’ennemi a tous les atouts en main. Il couvre tous
les secteurs avec des patrouilles aériennes à longue portée et emploie des
méthodes de détection contre lesquelles nous n’avons pas encore de parade… L’ennemi
connaît tous nos secrets et nous ne connaissons aucun des siens. »
Les Allemands ignorent cette réalité. Ils croient toujours à
l’efficacité héroïque des U-Boote.
Mais dans cette fin d’année 1943, ils comprennent que la Luftwaffe,
les batteries antiaériennes de la DCA sont impuissantes.
Ils découvrent qu’ils n’ont connu jusqu’alors que le
purgatoire, que les bombardements de nuit et de jour vont plonger les villes
allemandes dans les flammes de l’enfer.
Goering, Reichmarschall, avait déclaré en 1940 qu’il
changerait son nom en Meier si une seule bombe ennemie tombait sur le Reich.
Or ce sont des milliers de bombes incendiaires, à
retardement, à fragmentation, qui brûlent et font exploser les quartiers de
Berlin, de Cologne, de Munich, de toutes les villes allemandes.
Goering est devenu M. Meier !
Et M. Meier refuse de voir la réalité.
Lorsque le général Adolf Galland, commandant la chasse
aérienne, annonce à M. Meier que des chasseurs américains munis de
réservoirs de carburant supplémentaires ont accompagné les bombardiers jusqu’à
Aix-la-Chapelle, Goering s’emporte, évoque le « vol plané » de
quelques appareils, puis, face à l’obstination de Galland, hurle :
« Je vous ordonne formellement de reconnaître qu’ils n’y
étaient pas. »
Galland, un long cigare aux lèvres, dit en souriant et
défiant Goering d’un regard insolent :
« À vos ordres, monsieur le Reichmarschall. »
On apprend peu après que le chef d’état-major de la Luftwaffe
s’est suicidé en demandant à ce que Goering n’assiste pas à ses funérailles.
Goering passe outre, dépose une couronne au nom de Hitler.
Mais M. Meier ne fait plus illusion parce que les
bombardements s’intensifient. Et que l’enfer, tombé du ciel, est quotidien.
Sept cents bombardiers incendient Berlin dans la nuit du 22
au 23 novembre 1943.
Fusées-parachutes éclairant les cibles, faisceaux
innombrables des projecteurs fouillant le ciel, explosions, incendies, hurlements
des victimes, appareils qui s’abattent enflammés ; et au matin, un nuage
de fumée et de poussière épais de 6 000 mètres couvrant la ville tel
un linceul gris-noir : voilà la nuit berlinoise !
Kiel, Nuremberg, Aix-la-Chapelle encore, et même les petites
villes sont détruites.
Peut-être 100 000 morts en 1943 !
Les immeubles s’effondrent, foudroyés, incendiés, et en même
temps les certitudes, le « moral » ne sont plus que décombres.
Comment ne pas s’interroger, ne pas condamner les nazis ?
Les survivants écrivent :
« Qu’ont-ils fait de notre belle, de notre magnifique
Allemagne ?
« C’est à pleurer ! Pourquoi des gens laissent-ils
nos soldats mourir inutilement, pourquoi laissent-ils ruiner l’Allemagne, pourquoi
tout ce malheur, pourquoi ? »
On écoute les diatribes de Goebbels et de
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