1943-Le souffle de la victoire
de boue, avant de durcir à nouveau.
La Wehrmacht manque d’essence, de tanks, de munitions. Les
moteurs poussés à bout tombent en panne.
La retraite se déroule sous un ciel bas.
Consigne est donnée de tout dévaster, de détruire tous les
villages, afin que les Russes ne trouvent aucun abri. Et aucune aide puisqu’on
tue les hommes, le froid se chargeant d’abattre les femmes, les vieux, les
enfants.
Et bientôt, ce sera le plein, l’atroce hiver.
Un officier d’artillerie, le commandant Gustav Krentz, écrit :
« Vers la fin du mois de novembre, nous touchâmes enfin
quelques renforts, de nouveaux canons d’assaut, la valeur d’un groupe. Comme
personnel, à peu près uniquement des gosses sortis de caserne avec une poignée
d’officiers et de sous-officiers arrivent d’Italie. Ils ne se plaignaient pas
du froid ; ils entretenaient des feux, le jour aussi bien que la nuit ;
et pour avoir du bois, ils démolissaient des hangars qui auraient pu être
précieux. Comme je leur en faisais l’observation, l’un d’eux me répondit que la
température était descendue ce jour-là à 10 au-dessous de zéro, ce qui était
quand même une situation anormale. Je lui dis que bientôt il s’estimerait
heureux quand le thermomètre marquerait non pas 10 mais 25 au-dessous de zéro, et
qu’il devrait s’attendre à avoir moins 40 en janvier. Du coup, le pauvre s’effondra
et se mit à sangloter… »
Hitler n’entend pas ces sanglots d’angoisse et de désespoir.
Il n’écoute même plus ceux de ses généraux en qui il a confiance.
Guderian, un jour de décembre 1943, déjeune en tête à tête
avec Hitler :
« Autour d’une petite table ronde, dans une pièce assez
sombre, raconte-t-il. Nous étions seuls… Il n’y avait que Biondi, sa chienne
alsacienne. Hitler la nourrissait de temps en temps avec des morceaux de pain
sec. Linge, le valet qui nous servait, allait et venait silencieusement…
« L’occasion rare se présentait d’entamer et peut-être
de résoudre les questions délicates… »
Guderian propose un recul de 400 à 500 kilomètres en
Russie et la création d’un système de défense échelonné en profondeur, sur le
territoire polonais.
Hitler répond avec passion, citant des chiffres :
« Je suis, dit-il, le plus grand bâtisseur de
fortifications de tous les temps. Et jamais je ne donnerai un ordre de retraite. Haltbefehl au contraire ! »
Il refuse de même la proposition de Guderian – inspecteur
général – de nommer un général en chef pour commander à l’Est. Hitler se
dérobe, n’avoue pas qu’il n’a aucune confiance dans un « généralissime »,
quel qu’il soit.
Quant à Guderian, il ne précise pas au Führer qu’il a déjà
évoqué cette question avec Goebbels, Himmler, Jodl, et que tous l’ont écouté
sans donner leur sentiment. Goebbels ayant été le plus favorable, Himmler, resté
silencieux, fut « impénétrable et fuyant ». Quant à Jodl, il a dit :
« Connaissez-vous un meilleur commandant en chef qu’Adolf Hitler ? »
Comment Guderian pourrait-il répondre à cette question, alors
qu’il considère – et cela depuis mai-juin 1940 – que Hitler est
incompétent, et que sa conduite de la guerre est désastreuse ?
Mais dire la vérité équivaudrait à un suicide, et Guderian
est d’autant moins enclin à révéler sa pensée qu’il est convaincu que les
armées allemandes, fussent-elles commandées par un fou et un incapable, doivent
continuer à se battre.
Ce point de vue est partagé par la plupart des officiers et
des soldats.
« Il n’est tout de même pas possible, dit l’un d’eux, à
l’automne 1943, que ce soient les Juifs qui gagnent et qui gouvernent. »
Un autre écrit :
« Si l’Allemagne est vaincue, les Juifs s’abattront sur
nous et extermineront tout ce qui est allemand, il y aura un massacre cruel et
terrible. »
Ceux qui ont assisté aux massacres accomplis par les Einsatzgruppen, ceux qui en ont été les acteurs et les complices, craignent une vengeance à
la mesure des meurtres commis par la Wehrmacht et les unités vouées à ces
tâches criminelles.
Il faut donc se battre pour préserver l’Allemagne du
châtiment et du judéo-bolchevisme.
En 1943, le général Henrici, qui commence à craindre que l’Allemagne
ne perde la guerre, écrit :
« Il ne doit pas y avoir de défaite dans cette guerre, car
ce qui la suivrait n’est même
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