1944-1945-Le triomphe de la liberte
l’Histoire ».
« Nous sentîmes autour de nous le frémissement de ses
ailes. N’était-ce pas le moment tant attendu où devait tourner la roue du
sort ? » écrit le nazi Schwerin von Krosigk.
Eva Braun en ces heures cruciales veut vivre aux côtés du
Führer.
Mais elle sait qu’il s’agit non pas de vivre, mais de
mourir.
Les Russes, heure après heure, nuit et jour attaquent,
approchant de la Chancellerie dont ils ne sont plus qu’à quelques centaines de
mètres.
Et Hitler évoque souvent la défaite, sa mort, et celle de
l’Allemagne. Il ne doit laisser que des ruines et des cadavres.
« Si la guerre est perdue, la nation doit périr,
dit-il. Le Destin le veut ainsi. Inutile d’envisager pour elle des moyens de
vie, même primitifs. Il est préférable de procéder aux destructions nous-mêmes
parce que notre nation aura prouvé sa faiblesse, l’impuissance du peuple
allemand à donner sa mesure devant l’Histoire. Il ne mérite que
l’anéantissement. De plus, les individus qui resteront une fois la guerre finie
seront des êtres inférieurs car l’élite se sera fait tuer. »
Albert Speer, ministre de l’Armement et de la Production de
guerre, s’opposera à cette politique de la « terre brûlée », comme
aux déplacements de population voulus par Martin Bormann.
« C’eût été une incroyable marche de la faim »,
souligne Speer.
Ainsi, Hitler découvre qu’il ne gouverne que les quelques
centaines de personnes qui vivent dans le bunker, et qui sont prêtes à mourir
comme lui.
Mais il se méfie même de ces derniers fidèles.
« On me ment de tous côtés, dit-il, je ne peux avoir
confiance en personne. »
Il hurle devant l’Obergruppenführer SS Gottlieb
Berger : « Tout le monde m’a trahi, nul ne m’a dit la vérité. Les
militaires m’ont menti… »
Le visage de Hitler devient violacé, son bras et sa jambe
tremblent, sa tête dodeline. Il ne cesse de répéter :
« Qu’on les fusille tous ! Qu’on les fusille
tous ! »
Le 23 avril, il destitue Hermann Goering, accusé de
haute trahison pour avoir dans un télégramme écrit au Führer :
« C’est à moi de prendre en main, pour le mieux, les
intérêts de notre pays et de notre peuple. Vous connaissez mes sentiments à
votre égard, en cette heure la plus grave de ma vie. Les mots me manquent pour
exprimer ce que je ressens. Que Dieu vous protège et vous permette de nous
rejoindre au plus vite, en dépit de tout.
« Votre fidèle
« Hermann Goering. »
« Goering ? Un être corrompu, un drogué »,
commente Hitler dont le mépris et la colère sont attisés par Martin Bormann,
qui ambitionne de succéder à Goering.
Car les dirigeants nazis, en ces heures ultimes,
s’entredévorent, intriguent auprès du Führer.
Et celui-ci, tout à coup indifférent, murmure :
« Eh bien, que Goering négocie quand même la
capitulation. Peu importe qui s’en charge ! »
Mais Martin Bormann a donné l’ordre aux SS de Berchtesgaden
d’arrêter le maréchal du Reich.
Hitler pourtant méfiant n’imagine pas que Himmler, le
ministre de l’Intérieur, l’un des acteurs majeurs de la « Solution
finale », le maître des SS, Reichsführer, négocie avec le comte
Bernadotte, au consulat suédois de Lubeck.
Le « Der treue Heinrich » – le fidèle
Henri comme l’appelle Hitler – dit au comte suédois : « La
vie grandiose du Führer touche à sa fin. » Et Himmler offre de remettre à
Eisenhower la capitulation des armées allemandes sur le front ouest.
C’est la vieille chimère du renversement des alliances à
laquelle veut encore croire Himmler.
Au bunker, on capte une dépêche de l’agence Reuter révélant
ces négociations secrètes.
Hitler pousse un hurlement aigu.
« Il était comme fou. Son teint vira au pourpre,
raconte un témoin, ses traits devinrent presque méconnaissables… Après sa
longue crise de colère, Hitler tomba dans un morne abattement et, pendant un
moment, le silence régna dans le bunker tout entier. »
Puis Hitler ordonne qu’on abatte l’agent de liaison de
Himmler, le général SS Fegelein. Il est tué dans les jardins de la
Chancellerie. Il est marié à la sœur d’Eva Braun, mais celle-ci n’intercède pas
en sa faveur.
« Pauvre Adolf, pauvre Adolf, dit-elle. Abandonné et
trahi par tous. Mieux vaut la mort de 10 000 hommes que la perte du
Führer pour
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