1944-1945-Le triomphe de la liberte
« l’heure
de la réconciliation est venue, qu’il n’est plus temps de mettre en relief les
raisons que les Français ont de ne pas s’entendre ».
« Pétain n’est pas mon ennemi personnel, dit-il en se
levant, en marchant dans la pièce. Je veux rassembler les Français, pas tout à
fait jusqu’à Pétain, mais presque, à la limite extrême… »
Il revient à son bureau. Il jette un coup d’œil à ces
télégrammes en provenance de Suisse.
« Le gouvernement helvétique ne peut s’opposer à la
volonté du maréchal Pétain de regagner la France. »
Il soupire à nouveau. Le procès ne pourra pas être évité, et
la procédure n’aboutira qu’à ranimer les divisions des Français, à nuire à
l’unité nationale.
Comme si la nation encore exsangue avait besoin de
cela !
Il soulève légèrement les bras :
« Alors, ils nous le rendent, dit-il, il va
revenir. »
Il veut examiner avec chacun des ministres les conditions du
retour de Pétain. Le voyage se fera en train, précise-t-il en regardant René
Mayer.
Koenig ira accueillir Pétain à Vallorbe. Le service d’ordre
doit empêcher toute manifestation hostile.
Il reste quelques minutes silencieux. Pourquoi ces destins
étrangement croisés entre lui et Pétain, depuis le début, quand il est arrivé à
Arras en 1912, dans le 33 e régiment d’infanterie que commandait
le colonel Pétain, et puis ce mois de juin 1940, « l’avènement de
l’abandon dans l’équivoque d’une gloire sénile » ?
Il se sent étreint par la tristesse, peut-être même le
désespoir.
« Échéance lamentable, reprend-il d’une voix sourde. Le
Maréchal s’abritait de l’illusion de servir l’intérêt national, sous
l’apparence de la fermeté et à l’abri de la ruse. Il n’était plus qu’un jouet,
qu’une proie offerte aux intrigues… Que tous les hommes coupables de Vichy
soient arrêtés, mais le Maréchal, je ne tenais pas à le rencontrer… Quel
dommage… »
Il secoue les épaules.
« Il nous aura embêtés jusqu’au bout ! »
lance-t-il.
Il baisse la tête.
« Il possédait tant de qualités… Pourquoi a-t-il fait
tout ce qu’il a fait sous l’Occupation ? C’était un grand homme. Ah !
la vieillesse est un naufrage. Il ne faut pas se laisser vieillir aux
affaires. »
Il écoute Mayer et Tixier préciser les mesures qu’ils
envisagent. Il hoche la tête, se lève, retient un instant Koenig.
« Je ne veux pas de choses médiocres, dit-il. Qu’il ne
lui arrive rien. »
À Vallorbe, le 26 avril 1945, la barrière qui marque la
ligne frontière se lève et les voitures entrent en France.
Dans l’une d’elles, il y a Pétain, maréchal de France.
Les soldats et les gendarmes hésitent à présenter les armes.
Le général Koenig invite Pétain à descendre de voiture. Pétain s’exécute,
dévisage ce général qu’il ne connaît pas, lui tend la main.
Koenig la refuse.
50.
Pétain, dans ces derniers jours d’avril 1945, roule vers sa
prison, son procès, sa condamnation.
Mais si cette période est historique, ce n’est pas à cause
de cette fin sans gloire d’un maréchal de France.
Ces jours marquent la fin du Reich de Hitler. La fosse est
ouverte, elle attend le Führer qui, le 20 avril 1945, célèbre son
cinquantième anniversaire.
Il n’est plus qu’un homme malade que la tension à laquelle
il a été soumis tout au long de sa vie a vieilli prématurément.
Il se bourre de médicaments que lui administre le docteur
Morell.
L’explosion de la bombe du 20 juillet 1944 a crevé ses
deux tympans. Il est sujet à des vertiges. Il chancelle. Ses membres tremblent.
À Berlin, il vit dans l’atmosphère confinée du bunker
construit sous le bâtiment de la Chancellerie, qui n’est plus qu’un amas de
décombres. Il n’en sort pas.
Il a songé le 20 avril à se réfugier dans son nid
d’aigle de l’Obersalzberg. Il a rêvé d’y créer un dernier bastion, un réduit
national. Trop tard.
Les troupes alliées sont déjà enfoncées au cœur de
l’Allemagne et de l’Autriche.
Vienne est tombée le 13 avril.
Nuremberg, la ville des « triomphes » nazis, le
16 avril.
Le 25 avril, à 16 h 40, moment historique, à
Torgau-sur-l’Elbe, à 110 kilomètres au sud de Berlin, les patrouilles
américaines rencontrent les éléments avancés russes, et les soldats se donnent
l’accolade.
L’Allemagne est coupée en deux.
La
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