1944-1945-Le triomphe de la liberte
à 9 heures, après quatre heures d’incertitude,
policiers, juges et chefs fascistes arrivent : les grâces sont refusées.
On passe les menottes aux prisonniers que des miliciens
armés entourent. Marinelli, De Bono et Ciano, qui furent parmi les plus hautes
personnalités du régime fasciste, vont ainsi mourir sous des balles fascistes.
Et l’Histoire s’est souvent arrêtée sur cet homme que la
fortune avait paru combler, ce comte Ciano, emporté dans le tourbillon des
honneurs, paradant au Berghof de Hitler, au golf ou sur les aires d’envol en
capitaine de bombardier prêt à partir pour l’Albanie ou la Grèce, ce ministre,
le gendre du Duce, cet homme jeune qui va mourir.
Quand la violence est le ressort d’un régime, qui peut
espérer échapper à ses coups ? Pas même ceux qui ont utilisé la violence
pour le régime, le secrétaire du Parti fasciste Marinelli, le quadrumvir De
Bono ou l’aviateur-ministre Ciano.
Dans le polygone de tir de la forteresse de San Procolo,
vingt-cinq hommes de la Milice, tous volontaires, sont prêts ; quelques
juges, des personnalités fascistes et de nombreux officiers de la Garde
nationale républicaine sont présents.
Les détenus sont sur des chaises, le dos au peloton et les
bras liés au dossier. Marinelli se débat. « C’est un assassinat »,
crie-t-il. Il faut l’attacher de force : plusieurs miliciens s’y
emploient.
Les autres condamnés sont dignes et résolus, mais au fond de
leurs regards on lit l’effarement, une incrédulité tenace. Eux, les chefs
fascistes, ils sont là, pour leur mort, devant un peloton fasciste.
À quinze pas, les miliciens sont prêts. Le premier rang a
mis le genou à terre.
Ciano, De Bono se retournent plusieurs fois, et au moment où
retentit le commandement de « feu », on entend l’un des condamnés
crier :
« Viva l’Italia, Evviva il Duce ! »
La décharge fracasse le cri dans l’air glacial.
Quatre hommes tombent, une chaise reste dressée, le
prisonnier indemne sans doute : des quatre hommes tombés, des cris
s’élèvent, les corps bougent. Il faut tirer de nouveau sur le prisonnier resté
assis, sur les quatre qui sont à terre. Puis, à coups de pistolet, on achève
les cinq suppliciés.
Des opérateurs filment la scène.
Dans la journée, la radio annonce un communiqué important.
Après avoir rappelé la condamnation à mort, le speaker déclare :
« À 9 h 20, la sentence a été exécutée. Les
cinq condamnés ont été fusillés. »
Puis on entend l’entraînant hymne fasciste :
« Giovinezza, primavera di bellazza… » , « Jeunesse,
printemps de beauté… »
Mussolini s’exclame, à l’écoute de l’émission :
« Les Italiens aiment se montrer en toutes
circonstances ou féroces ou bouffons. »
En fait, après cette exécution, féroce et bouffonne, avec ce
peloton qui ne sait même pas à quinze mètres tuer d’une décharge cinq
malheureux, le régime et le Duce tentent de se sauver et de se disculper.
Le 12 janvier, sous le grand titre :
« Condamnation à mort de dix-huit membres du Grand Conseil », la Stampa proclame :
« Le couperet est tombé. Vingt ans d’indulgence
récompensés par l’ingratitude et la trahison, c’est trop. Le pardon est un
luxe. Les condamnés de Vérone paient la destruction néfaste de l’édifice
national difficilement construit avec l’argent et le sang du peuple. Ils paient
la division de la patrie, la guerre installée au cœur de l’Italie. »
En bref, sur les têtes des condamnés de Vérone retombent
toutes les fautes du fascisme, et Mussolini veut payer avec leur sang ses
propres erreurs et celles du régime tout entier.
Mais il veut aussi se donner bonne conscience. Il interroge
don Chiot, murmure au prêtre, après avoir évoqué Ciano : « Priez pour
lui et pour moi. »
Il assure au défenseur, à la mère de Ciano et à Edda qu’il
n’a pas été au courant de la demande de grâce des condamnés.
« Ce sont ceux-là mêmes qui ont voulu le procès qui ont
refusé de me transmettre la demande, de peur que je n’accorde la grâce »,
dit-il.
Pourtant, la mort des inculpés est pour lui et pour le
fascisme une tentative désespérée pour s’innocenter et menacer tout à la fois.
Le 12 janvier, on peut encore lire dans la Stampa : « Salus
Reipublicæ suprema lex », « Le salut de la République est la loi
suprême ».
« La
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