1944-1945-Le triomphe de la liberte
cela. Quand
l’occasion se présente, ils tâchent au surplus de s’emparer du pouvoir (comme à
Limoges)… Le mois qui commence sera vraisemblablement décisif pour le
gouvernement et peut-être pour le pays… Hier, j’ai entendu cette phrase qui
résume bien la situation actuelle : “La résistance du 6 juin 1944 écrasera
la résistance du 18 juin 1940.” Le mois qui s’ouvre montrera si le général
de Gaulle est vraiment un chef de gouvernement ou bien un Kerenski, qui n’a pas
su en 1917-1918 arrêter Lénine. »
Voilà le péril. Qu’une partie de l’opinion craigne la
révolution, le désordre.
Et que cette menace débouche réellement sur l’anarchie
générale. Que les Alliés se saisissent de cette situation pour empêcher la
France de s’asseoir parmi les « grands » États, à la table des
vainqueurs.
L’urgence est là. Rétablir l’ordre et l’État.
Il faut que le pays voie, entende de Gaulle.
Il va se rendre dans toutes les régions, et d’abord celles
qui sont le plus troublées, le Sud-Est, le Sud-Ouest. C’est de lui que tout
dépend.
De Gaulle-Kerenski ? On ne connaît pas encore l’homme
du 18-Juin, on l’imagine comme un chef hésitant qui pourrait ouvrir la porte
aux « bolcheviks ». De Gaulle est confiant.
Mais les semaines qui viennent seront les plus dures. La
guerre continue. Les Allemands tiennent encore Dunkerque, Strasbourg, des
poches sur l’Atlantique.
Les ports sont détruits, les lignes téléphoniques coupées.
La misère et la faim, bientôt le froid tenaillent les habitants des grandes
villes. Le marché noir sévit.
Et sourd partout l’aspiration à une transformation sociale
profonde.
C’est tout cela que de Gaulle doit affronter.
« Il me faut me jauger moi-même », murmure de
Gaulle.
Il pense à ces milliers de patriotes fusillés, déportés au
long de ces quatre années d’occupation.
Il pense aux otages exécutés, aux pendus de Tulle, aux
massacrés d’Oradour-sur-Glane.
Il pense à ces centaines d’hommes qui sont tombés pour la
libération de Paris : 600 soldats, 28 officiers,
2 500 membres des FFI et plus de 1 000 civils.
Tous ceux-là, morts pour la France, ne peuvent pas servir de
marche pied au Parti communiste, dont le secrétaire général Maurice Thorez a
déserté en 1939 et a passé la guerre en Union soviétique, et qui demande
maintenant à rentrer en France, amnistié.
Et le Parti communiste est une menace car ses militants,
combattants courageux et patriotes – à compter de juin 1941 –,
dirigent souvent les unités FFI, ont constitué des milices patriotiques qui imposent leur loi dans les départements.
On a communiqué à de Gaulle la lettre du commandant des FFI
de l’Ouest – sans doute un communiste – adressée au chef d’état-major
national des FFI – proche des communistes.
C’est une véritable déclaration de refus d’obéissance. Refus
d’incorporation des FFI dans l’armée. Refus de la dissolution des états-majors
FFI. Toutes décisions prises par de Gaulle comme chef du Gouvernement
Provisoire de la République française.
Le commandant du FFI de l’Ouest écrit :
« Tous nos cadres et nos troupes sont prêts à seconder
les efforts de l’état-major national… Considérez que vous avez
85 000 hommes derrière vous ! »
Voilà pour l’Ouest.
De Gaulle reçoit Raymond Aubrac, commissaire de la
République à Marseille. Aubrac avoue qu’il ne se sent pas sûr de pouvoir
maintenir l’ordre.
De Gaulle le toise.
« Vous m’affligez, Aubrac ! Vous représentez
l’État. Vous vous devez de remplir votre mission. »
Comment ces responsables ne saisissent-ils pas que ce qui se
joue en ce moment, ce n’est pas seulement la question de la paix civile, de
l’ordre républicain, mais aussi celle de la place de la France dans le monde,
demain ?
« Plus le trouble est grand, dit de Gaulle, plus il
faut gouverner. »
39.
De Gaulle doit aller vite, recomposer le Gouvernement
Provisoire.
Il consulte les représentants des partis, des mouvements de
résistance, puis il s’isole, dresse des listes de ministres, hésite, raye,
rajoute un nom.
Il prendra deux communistes. Il reçoit Jacques Duclos, le
leader du parti, qui parle à nouveau du retour en France de Maurice Thorez.
De Gaulle reste impassible. Il souhaite, dit-il, simplement
écarter Fernand Grenier, qui à Alger a mis en cause la politique du
gouvernement à
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