1944-1945-Le triomphe de la liberte
propos du Vercors. Il ne faut jamais rien laisser passer.
Il choisit pour le ministère de l’Air Charles Tillon, le
fondateur des Francs-Tireurs et Partisans Français, un résistant communiste de
la première heure, puis François Billoux, à la Santé publique. Jules Jeanneney,
l’ancien président du Sénat, sera ministre d’État, Georges Bidault, le
président du CNR, ministre des Affaires étrangères, Pierre Mendès France aura
en charge l’Économie nationale, François de Menthon sera à la Justice.
« C’est un gouvernement d’unanimité nationale »,
dit-il.
Il hausse les épaules quand il lit les premiers commentaires
de la presse.
Les journaux issus de la Résistance regrettent que ce soit
un gouvernement qui fait « place à toutes les tendances politiques ».
Eh quoi ! La France n’est-elle pas diverse dans son unité ?
Faudrait-il le pouvoir d’un clan ?
Le 9 septembre, de Gaulle se rend en compagnie de Louis
Joxe, secrétaire général du gouvernement, à l’hôtel Matignon où va se réunir le
premier Conseil des ministres. Il aperçoit, flottant au-dessus du porche, un
drapeau tricolore surchargé de la croix de Lorraine.
Il s’arrête sur le trottoir de la rue de Varenne.
« Je n’ai cessé de vous le dire, le drapeau national
comporte trois couleurs et aucun emblème supplémentaire. »
Il entre dans la salle du Conseil.
Chacun ici, dit-il, pourra s’exprimer. Il écoutera tous les
avis, et tranchera. Dans quelques semaines, début novembre, une Assemblée consultative
élargie à de nouveaux délégués se réunira au palais du Luxembourg. La France,
conclut-il, aura ainsi adapté son exécutif et son législatif provisoires à la
nouvelle situation.
« La victoire ouvre devant nous un avenir difficile
mais lourd d’espoir. Au travail, messieurs. »
Ce message, de Gaulle doit l’adresser, au palais de
Chaillot, à des milliers de résistants et à tous les corps constitués.
Il s’enferme trois nuits durant pour préparer le discours.
Il écrit, rature, jette les feuillets sur le sol, apprend chaque phrase de ce
texte qui sera retransmis sur toutes les places de Paris, dans toute la France.
Il veut que ce soit l’ouverture d’une nouvelle époque. Il
faut qu’il réussisse à faire partager sa foi, son espérance en la France et
l’ambition qu’il a pour elle.
Le mardi 12 septembre, il écarte l’immense tenture
tricolore du bord de scène. Il fait face à la salle debout qui l’ovationne,
puis chante La Marseillaise. Il est entouré de Georges Bidault et de
Jules Jeanneney. Il aperçoit, assis à droite de la scène, les membres du CNR. À
lui de parler, de convaincre.
« Ce qu’il nous en a coûté de pertes, de fureur, de
larmes… », commence-t-il.
La salle, devant lui, plongée dans l’obscurité, est comme un
gouffre immense où sa voix résonne et d’où elle se répand dans tout le pays.
« La France veut faire en sorte que l’intérêt
particulier soit toujours contraint de céder à l’intérêt général,
continue-t-il, que les grandes sources de richesse commune soient exploitées et
dirigées non point pour le profit de quelques-uns, mais pour l’avantage de
tous, que les coalitions d’intérêts soient abolies une fois pour toutes et
qu’enfin chacun de ses fils, chacune de ses filles puisse vivre, travailler,
élever ses enfants dans la sécurité et dans la dignité. »
Il attend que cessent les applaudissements.
« Mais les plus nobles principes du monde ne valent que
par l’action », reprend-il.
Il veut une augmentation des salaires et des allocations
familiales de plus de 50 %. Il veut la création d’une Sécurité sociale, la
création de comités d’entreprise, la nationalisation des houillères, du
transport aérien, des banques.
Mais cela ne suffira pas.
« Il faut d’abord un vaste et courageux effort
national », martèle-t-il.
« Vous tous, croisés à la croix de Lorraine, vous qui
êtes le ferment de la nation… Il vous appartiendra, demain, de l’entraîner vers
l’effort et vers la grandeur… »
Il fait un pas en avant. Il entonne La Marseillaise.
Et maintenant, il faut parcourir la France.
Il se tourne vers son aide de camp, le capitaine Claude Guy,
qui lui fait part de ses inquiétudes.
Les villes sont pleines d’hommes en armes. Des miliciens se
cachent dans certains quartiers de Toulouse. Marseille est sans police
efficace.
« Écoutez, Guy,
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