1944-1945-Le triomphe de la liberte
Cavaillès, à Jacques
Bingen, à Scamaroni, à tant d’autres, les meilleurs, morts.
« À cela, ni moi ni personne ne pouvons remédier en
deux mois, c’est l’affaire d’un long et dur effort et d’au moins une
génération.
« L’effort est commencé. Nous verrons ! »
Le 1 er novembre, il se rend au mont Valérien
puis au château de Vincennes, là où tombèrent des centaines de fusillés.
Il parle dans l’humidité grise de l’automne.
« Ces morts, ces humbles morts, ces martyrs, ces
soldats, la terre maternelle enveloppe désormais leur repos. »
Tout à coup, comme une menace, une série d’explosions qui
déchirent le silence dans lequel résonnaient ces mots.
De Gaulle reprend : « Morts massacrés pour la
France ! Vous êtes notre deuil et notre orgueil… Mais vous êtes aussi
notre lumière, pour nous éclairer tout au long de la route qui mène à notre
nouvelle grandeur. »
Il remonte dans la voiture. On lui dit qu’un train de
munitions vient d’exploser à Vitry-sur-Seine. On dénombre une trentaine de tués
et une centaine de blessés.
Les communistes accusent aussitôt « la cinquième
colonne fasciste » d’avoir provoqué l’accident, qui serait donc un
attentat.
De Gaulle ferme à demi les yeux. Il se sent seul malgré les
approbations qui l’entourent. Voilà l’origine de ce sentiment étrange qui
l’étreint.
« Je suis déjà dans un désert », murmure-t-il.
Mais la France est presque entièrement débarrassée de
l’occupant.
Le 30 septembre 1944, la ville et le port de Calais
sont libérés.
Le 14 novembre, la 1 re Armée Française
de De Lattre entre en Alsace.
Le 19 novembre, elle atteint le Rhin.
Le 23 novembre, la 2 e DB libère
Strasbourg.
Le général Leclerc qui la commande avait, le 2 mars
1941, après la conquête de l’oasis de Koufra, dans l’Érythrée italienne, fait
prêter à ses hommes – une poignée de Français Libres – ce
serment :
« Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos
couleurs, nos belles couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de
Strasbourg. »
C’est fait. Mais les soldats de Leclerc vont garder leurs
armes.
La guerre n’est pas finie.
De Strasbourg, on voit l’Allemagne.
41.
L’Allemagne ?
Eisenhower sourit quand, en ce début septembre 1944, on
l’interroge sur les opérations à venir.
Les troupes anglo-canadiennes du maréchal Montgomery –
il a été élevé à cette dignité le 1 er septembre – viennent
les 4 et 5 septembre de libérer Bruxelles et Anvers.
Les troupes alliées ont été accueillies par une foule
enthousiaste. La guerre semble près de finir. Les prisonniers allemands se
comptent par dizaines de milliers.
L’Allemagne ?
« Nous y entrerons comme dans du beurre », disent
les proches d’Eisenhower, répétant ce que déclare le Service Interallié de
Renseignements.
Le 15 septembre, Eisenhower écrit à Montgomery :
« Nous serons bientôt maîtres de la Ruhr, de la Sarre
et de la région de Francfort, et j’aimerais avoir votre avis sur ce qu’il
faudrait faire ensuite. »
Sur le front de l’Est aussi – dans les Balkans
d’abord –, la situation des Allemands est dangereuse. À peine s’il
subsiste un semblant de front.
Les troupes russes sont entrées en Bulgarie le
5 septembre et aussitôt les Bulgares se déclarent en guerre avec
l’Allemagne.
Le 15 septembre, l’armée Rouge fait sa jonction avec
les partisans et l’armée yougoslave de Tito.
Commence pour les troupes allemandes un interminable
calvaire dans les montagnes arides de Serbie et du Monténégro.
Les partisans les harcèlent, tendent des embuscades.
Les Allemands n’avaient pas pris conscience de la haine qu’ils
avaient suscitée.
N’étaient-ils pas les « élus », les représentants
d’une race supérieure, et les Slaves, qu’étaient-ils sinon des Untermenschen ?
Et l’on pouvait tuer ces « sous-hommes », les exterminer ;
c’était dans l’ordre naturel des choses.
Mais les Untermenschen sont devenus des guerriers
redoutables.
« Notre retraite est un cauchemar, raconte un officier
de la Wehrmacht. Les routes sont quelquefois minées dans les défilés sur des
longueurs de 20 à 30 kilomètres, de sorte qu’au bout de huit jours nous
avons perdu presque tous nos véhicules. La plupart des hommes n’ont plus que
des souliers éculés et se sont débarrassés de tout
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