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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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loin. Je veux rentrer à la maison. » La pluie les trempait, et les sabots des bêtes s’enlisaient dans la boue. « Hep ! là. Arrête, on descend, disait l’homme, nous n’en sortirons pas, les bêtes sont déjà assez fatiguées. — C’est bien la peine d’avoir des chevaux pour aller à pied », disait Auberi. Le Borgne le souffleta du bout de son gant, et le fit descendre par une tape au derrière. « Et s’il crève, hein, ton mulet, tu seras bien avancé. Tu vas voir qu’il aura bientôt de la boue jusqu’au ventre. C’est plein de ruisseaux par ici. »
    Ils marchaient ainsi, cherchant en vain des traces d’ornières pour y mettre les pieds. Personne n’avait passé par là depuis plus de trois jours. Ils approchaient du Puy-en-Velay, pensant s’y joindre à une troupe de pèlerins qui se rendrait à Marseille pour le printemps. Il était bon de demander la protection de la Vierge du Puy pour un voyage aussi hasardeux.
    Ils ne trouvèrent d’autre abri pour la nuit qu’une hutte de bergers. Le bois mort était trop humide pour faire du feu. Ils mangèrent une partie du pain et du porc salé qu’ils avaient dans leur sac. Et Auberi devait attendre que le vieux ait fini pour commencer à manger. Et il avait si faim que les larmes lui coulaient des yeux, et il grelottait. Mais il ne put pas manger beaucoup, le porc lui donnait soif, et le pain était sec et lui pesait sur l’estomac. La nuit tombait de bonne heure, dehors des rafales de vent cassaient les branches des arbres, la pluie battait à travers la porte qui ne fermait pas. Et l’enfant pensait aux histoires de brigands, et aux âmes des morts qui pleurent dans le vent sur les routes désertes.
    « Viens, dit le Borgne, couche-toi près de moi pour te réchauffer. » Et l’enfant se blottit près de lui, face contre terre, et se mit à pleurer. « Il pleure, le fils de chienne ! Auberi ! Quel âge as-tu ? — Douze ans, mon seigneur. — À douze ans j’étais plus fort que toi, mon garçon. Écoute, Auberi, un enfant, vois-tu, c’est pire qu’une bête, parce que c’est plus rusé et plus paresseux. On ne fait jamais rien de bon d’un enfant qui n’est pas tenu durement. Moi qui te parle, j’ai eu un père vieux et sage qui m’a tant battu pour un oui et pour un non que je n’avais pas plus de peau sur les fesses que sur la viande que nous mangeons. Et quand on a enduré ça sans se plaindre on n’a plus peur de grand-chose plus tard. Il faut s’endurcir tant qu’on est jeune, il est trop tard après. » Auberi dit : « Oui, mon seigneur. » Mais il n’avait aucune envie d’être endurci. Il voulait une bonne soupe chaude et un bon lit. Et il pleurait tant que sa tête lui faisait mal.
    Il arriva au Puy si malade qu’il ne tenait plus sur son mulet. Le vent froid gelait les flaques d’eau, et il fallait de nouveau descendre et aller à pied à cause du verglas, les sabots des bêtes glissaient sur la route montante, et dans les rues de la ville le vent s’engouffrait et faisait des courants d’air glacés. Trop pauvres pour loger à l’auberge, les deux voyageurs s’arrêtèrent devant la boutique d’un cordonnier, et le vieux marchanda longtemps avec le patron, offrant sa ceinture en échange de quelques jours d’hospitalité – la ceinture était large de deux bons pouces, disait-il, et en cuir neuf, travaillé à Reims, et si forte qu’on pourrait en faire des semelles pour chaussures de dames ; le cordonnier hésitait – mais l’homme avait l’air honnête et l’enfant paraissait vraiment malade. Il prit la ceinture, et leur donna un coin de la chambre des apprentis. Auberi fut installé sur une paillasse et le vieux sécha leurs deux capes de voyage devant le feu pour en couvrir l’enfant. Auberi toussait si fort que sa frêle poitrine semblait se déchirer au dedans, et le Borgne, assis près de la paillasse, les mains jointes sur ses genoux, écoutait, perplexe et un peu honteux, ces râles de moribond.
    C’était un enfant charmant que cet Auberi, grand pour son âge, maigre, aux fortes jointures, aux jambes bien droites ; ses cheveux châtains tombaient sur ses yeux en touffes folles, il avait un nez retroussé et des yeux gris qui riaient et pleuraient pour des riens. Et c’était une grande pitié de le voir ainsi tout rouge et tout secoué comme par un mauvais esprit. Si bien que le vieux se leva, et alla au marché aux chevaux avec le mulet.
    Il y fut mal reçu et

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