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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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Églantine était allongée sur des peaux de loups et des couvertures. La dame, agenouillée près d’elle, lavait ses blessures. Églantine avait les seins sectionnés et tout le corps lacéré de coups de faucille. Dans les côtes, elle avait deux plaies profondes d’où le sang jaillissait par saccades. Elle vivait encore, mais la dame se disait qu’elle ne passerait pas la nuit. Pour aller chercher le prêtre à Linnières, il eût fallu traverser la forêt en feu. Même jusqu’à Hervi, la route n’était pas sans danger. Milon allait et venait, boitant de sa jambe blessée. Il allait voir les chevaux, regardait le ciel, s’asseyait puis se levait de nouveau pour moucher les chandelles. Personne ne pouvait rester au repos cette nuit-là. Églantine gémissait et râlait : « Père ! oh ! père, père ! Aidez-moi. On veut me tuer. Père, où êtes-vous, père ? »
    Et la dame écoutait les roulements du tonnerre et pensait à Herbert, de l’autre côté de la forêt. Qui sait si la foudre n’était pas tombée sur le château ? « Maudit, pensait-elle, maudit, je l’ai maudit. » Ces mots tournaient dans sa tête, elle ne pouvait plus penser à autre chose.
    Des cavaliers passèrent devant les fenêtres, il y eut des bruits de voix devant la porte. Pierre et Haguenier, suivis du petit Joceran et de l’écuyer de Pierre, entrèrent dans la salle, tout ruisselants d’eau, les cheveux collés sur leurs figures pâles. « On vient vous demander asile, dame, dit Haguenier, la route est barrée du côté de Linnières. » Pierre se secouait, jetait par terre sa cape et ses gants. Il claquait des dents. « On est tombés en plein sur les moutons, on a trouvé les paysans d’ici sur la route de Seuroi. Quelle nuit ! on dirait le Jugement dernier ! »
    La dame s’empressa de tirer une couverture sur Églantine, mais Haguenier avait déjà vu le corps ensanglanté à la chair de cire. « Ah ! sœur, que vous a-t-on fait ? — Elle est punie pour ses péchés, dit la dame. Elle n’en commettra plus, si Dieu veut. » Haguenier se pencha sur la mourante. Elle avait le teint terreux, et ses yeux immenses étaient cernés de brun, sa bouche était sanglante et desséchée. Elle reconnut Haguenier et lui sourit faiblement.
LE LOUP
    Herbert était couché sur les dalles de la chapelle, un crucifix dans les mains. Malgré l’orage, il avait dépêché ses valets en pleine nuit à Hervi, avec des chevaux, pour faire amener le père Aubert sur-le-champ. Car il s’était brouillé avec son chapelain, homme pourtant timide et même servile, mais qui n’avait pu supporter les railleries et le sans-gêne de son seigneur. Et il n’y avait pas de prêtre au château. Le curé de Linnières, grossier et ignorant, n’inspirait pas confiance à Herbert. Dans la terreur qui l’avait saisi, il n’avait que faire de ce petit paysan de Seuroi.
    Le village brûlait. La foudre était tombée sur le chêne près de l’église. Les paysans n’avaient même pas eu le temps d’emmener leurs bêtes. Ils étaient à présent tassés dans la cour du château, derrière le nouveau mur d’enceinte » Il n’y avait guère de chances que le feu prit au château, à cause du large fossé qui venait d’être creusé le long du mur nord. Mais Herbert savait bien, et d’autres le pensaient aussi, que la foudre devait encore tomber sur le donjon même. Et la pluie n’était pas assez forte pour éteindre le feu. Herbert avait appelé sa femme dès les premiers éclairs, et lui avait ordonné de prendre son coffret à bijoux et le coffret où il gardait ses pièces d’or et ses papiers, et de descendre dans la cave avec ses filles – de là, elles pourraient, en cas d’incendie, prendre le passage souterrain qui menait à Hervi. Il l’avait fait creuser en grand secret, aussitôt après la mort du vieil Haguenier, son beau-père, et en portait toujours la clef sur lui.
    Puis il fit ses adieux à la dame Aelis, et lui demanda pardon de toutes les offenses qu’il lui avait faites. « Il se peut bien que je meure cette nuit, avait-il dit, et si c’est pour moi que Dieu fait tout ce grand fracas, je n’en réchapperai pas, où que j’aille. J’aime autant vous mettre à l’abri. Mon testament pour le partage de Bercenay est déjà fait, chacune de nos filles aura une petite dot convenable. Le reste, malheureusement, ira à la fille de l’Isabeau, je n’y peux rien. » Dame Aelis descendit donc dans la

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