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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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position plus commode pour ses membres alourdis par le vin. Le vin ne lui montait jamais à la tête ; mais il le rendait assez triste et le faisait penser à son âme et à toutes sortes de choses déplaisantes.
    « Cousin, dit-il, j’aurais un service à vous demander. Il m’est arrivé une très vilaine histoire, ce Carême-ci. Mon prêtre m’a ordonné un pèlerinage à Rome, à pied et en chemise de bure. Vous devez me trouver un homme honnête qui s’en charge pour moi. Je paierai autant qu’il faut. S’il a des enfants ou des parents qu’il entretient, je les ferai manger à ma propre table. Un homme que vous connaissez bien, sur qui je puisse compter.
    — J’y penserai, dit Joceran. Il devinait bien ce qu’était cette histoire, car on parlait dans le pays du bizarre mariage de la demoiselle Églantine et de mauvaises langues disaient que c’était une vengeance d’amant trompé. Joceran ne jugeait pas. Il se creusait seulement la tête pour trouver l’homme qu’il fallait – à pied et en chemise de bure – diable ! Il fallait un gaillard solide, et bien pressé d’argent. Mais cela devait se trouver, il savait d’ailleurs que lui-même aurait sa part à la récompense promise.
UN INCOMPRIS
    Herbert se demandait toujours pourquoi on le tenait pour un homme qui a eu de la chance, et même plus de chance qu’il ne méritait. Il s’estimait, au contraire, particulièrement malchanceux.
    D’abord, c’est toujours une malchance pour un homme d’avoir un père qui s’est marié à seize ans et qui a tout juste dix-huit ans de plus que vous, mais le comble, c’est qu’avec cela vous soyez encore le second fils, le cadet, celui qui a tout au plus droit à des armes et à un cheval et un écuyer, mais qui n’a pas à compter sur l’héritage. Et cadet il était né, cadet il était resté toute sa vie. Voilà bientôt vingt ans que l’aîné était couché au cimetière d’Acre, et depuis bientôt vingt ans ils avaient tous l’air de reprocher à lui, Herbert, d’occuper la place d’un autre. Ils avaient tous l’air de dire : cette mort lui a profité. Profité ! Ce que ce frère avait été pour lui personne ne le savait, pas même le père, le père moins que les autres. L’arc et la corde, la cognée et son manche, une paire de bœufs au même joug, voilà ce qu’ils avaient été l’un pour l’autre, Ansiau et lui. Il pensait qu’il avait peut-être plus perdu que le père par cette mort. Eh bien, oui, il n’avait pas passé sa vie à se lamenter, il n’avait pas une nature à ça, mais après tout, l’héritage du mort lui revenait de droit, à lui, son meilleur ami ; personne n’avait rien à y redire.
    Ce n’était pas de sa faute non plus si Jacques et Renaud de Hervi étaient morts à Acre. Personne ne pouvait prévoir, à l’époque de son mariage, que Bertrade serait un jour seule héritière du domaine. On ne pouvait même pas dire qu’il avait survécu pour s’être épargné plus qu’eux dans les batailles, puisque les frères de Hervi étaient morts de maladie. Il s’était mieux battu qu’eux tous, au contraire, parce qu’il avait été moins souvent malade. Oui, bien sûr, Aelis de Bercen, il l’avait épousée parce que son frère était mort en croisade et qu’elle était restée l’unique héritière, mais quel homme ne cherche pas à capter un riche héritage, s’il le peut ? Et maintenant on le traitait de coucou parce qu’il tenait ses trois domaines à la place de quatre garçons couchés au cimetière d’Acre.
    Eh oui, c’était une malchance d’avoir un père trop jeune. Surtout un père comme l’avait été le Borgne, un homme indolent et incapable, qui restait sur ses terres comme un chien sur une meule de foin, qui ne savait qu’en faire et n’en laissait pas profiter les autres. Il eût laissé le château et la clôture tomber en ruines et eût engagé les terres pour vingt ans ou les eût laissées en friche. « De ce train-là, pensait Herbert, d’ici dix ans nous aurions été obligés de rendre la terre au comte, d’y laisser installer ses prévôts et baillis, et de mettre nos fils à la solde. Je voyais bien cela, moi. Et pourtant, me suis-je jamais oublié devant lui ? Lui ai-je jamais dit un mot de trop ? S’il a eu assez de bon sens pour comprendre de lui-même qu’il devait s’en aller, était-ce ma faute à moi ? Et voilà qu’à Linnières non plus on ne me tient pas pour le vrai maître, et on

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