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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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alors, fixa son regard sur ses seins dont les larges mamelons bruns éveillèrent en lui un violent désir. Il n’avait pas encore touché la fille. Il aurait tout le temps pour cela. Pour le moment, il lui suffisait de contempler dans la glace les yeux noirs qui brillaient d’un mélange de joie et d’incrédulité.
    Charging Elk ne s’était jamais senti aussi fier de sa vie.
    À trois heures du matin, Marie regagna sa chambre pour y dormir. En bas, il ne restait plus qu’Olivier, Gérard et deux des filles. Dehors, la rue était déserte et noire, mais la pluie avait cessé et quelques étoiles scintillaient dans le ciel.
    D’habitude, Marie se sentait épuisée et triste à cette heure-là. D’habitude, elle s’effondrait sur son lit sans même se donner la peine de se laver ou de changer les draps. D’habitude, cette pièce exiguë à l’atmosphère confinée la déprimait et elle enviait à Aimée sa chambre en coin jouissant d’une large fenêtre qui donnait sur le petit jardin à l’arrière de la maison. Et d’habitude, avant de sombrer dans le sommeil, elle revoyait le défilé de corps blancs et nus et de sexes dressés dont les hommes paraissaient tirer tant de vanité.
    Ce soir, en revanche, Marie n’était pas fatiguée, et les lourds relents de sexe n’offensaient pas son odorat. Au bout de quelques semaines, elle avait fini par s’y accoutumer et elle n’en pensait plus rien. Ils faisaient partie de son environnement au même titre que son eau de toilette à la lavande ou l’odeur des cigares et des alcools. Pourtant, en cet instant, elle haïssait cet aspect de sa vie qui, de fait, était devenu toute sa vie et ne consistait qu’à attendre sur un divan, à parler d’amour avec une gaieté forcée, puis à monter en compagnie d’un homme bedonnant au souffle court et, ensuite, à s’armer de courage en vue de la prochaine passe.
    En chaussons de laine et chemise de nuit en flanelle sous une robe de chambre en chenille afin de se protéger du froid du petit matin, Marie était couchée sur son lit, adossée à un oreiller, et l’écrin de velours marron reposait sur ses genoux. Elle ne voulait pas l’ouvrir. Elle ferma les paupières et se revit debout devant le miroir, admirant le camée tout en examinant à la dérobée le visage farouche à la peau presque noire qui semblait flotter au-dessus d’elle dans la glace. Les yeux n’avaient plus l’air aussi sauvage et les lèvres s’étiraient sur un vrai sourire.
    Marie, caressant le coffret de velours, s’efforça d’analyser les sentiments qu’elle éprouvait pour François. À dix-neuf ans, elle était déjà trop cynique pour croire en l’amour – du moins pour ce qui la concernait. Laurence qui, elle, n’avait que seize ans, semblait tomber amoureuse tous les soirs. Marie laissait parfois la jeune fille dormir avec elle, et celle-ci ne cessait de parler de tel ou tel homme qui lui avait promis d’en faire sa maîtresse. Certes, Laurence était jolie, dotée d’un corps épanoui pour son âge, mais elle apprendrait à ses dépens qu’il ne fallait pas se fier aux promesses et que les filles, même la belle Aimée, ne quittaient les maisons que quand elles étaient devenues trop vieilles et qu’elles avaient perdu leurs attraits. On les employait ensuite comme servantes ou blanchisseuses (à condition qu’elles aient la chance d’avoir un endroit où habiter). Parfois, on les envoyait même mendier dans les rues. Bien que Marie fût jeune encore, il lui arrivait de se voir en rêve qui errait dans une ville qu’elle reconnaissait vaguement. Elle n’avait que des haillons sur le dos et les enfants lui lançaient des quolibets. Le rêve s’achevait toujours au moment où elle parvenait à un carrefour plongé dans le noir, ne sachant laquelle prendre des quatre rues identiques qui s’ouvraient devant elle – chacune était déserte, sinistre, et lui paraissait familière. Elle se réveillait en sursaut dans l’obscurité et, saisie de panique, mettait un moment avant de réaliser où elle était. Elle avait alors envie d’appeler quelqu’un, n’importe qui, pour la réconforter. Mais le seul réconfort qu’elle puisait dans sa situation, c’était de se dire que, si tout allait bien, elle pourrait encore faire la putain une bonne dizaine d’années. Durant tout ce temps-là, elle aurait au moins un travail et un toit. Son avenir immédiat n’était pas si sombre, en définitive.
    Seulement, il y

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