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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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Malheureusement, il ne pourrait qu’abonder dans le sens du vieil homme. Les Français n’étaient pas des interlocuteurs faciles. Ils semblaient n’attendre qu’une occasion comme celle-ci pour les envoyer promener. Avec un peu de chance, il lui resterait le temps de rédiger sa lettre de démission après le déjeuner. Ce serait un geste symbolique, une manière de sauver en partie la face. Il savait qu’il se fermerait à jamais la porte des services diplomatiques. Et penser qu’il s’était imaginé être à deux doigts de remplacer Atkinson au poste de consul général ! Un espoir dont il se berçait depuis quatre ans !
    « Je vois que vous souriez, monsieur Bell. Ne pourrais-je partager ce qui vous met ainsi en joie ? »
    Bell eut un nouveau sourire amer. « En vérité, je n’ai aucune raison de me réjouir, monsieur Saint-Cyr. J’ai passé la matinée à la préfecture à tenter de calmer vos compatriotes, et en particulier Vaugirard, votre chef de la police, mais en vain. Je n’ai pas grand-chose à dire pour la défense de notre ami indien. On m’a insulté, traîné dans la boue, et je n’ai eu aucun argument à opposer. Je crains que son sort ne soit scellé. » Et le mien aussi, faillit-il ajouter.
    « C’est une affaire grave, mon cher ami, très grave, certes, mais en quoi concerne-t-elle le vice-consul des États-Unis ? Vous devez sûrement avoir un conseiller juridique qui se charge de ces questions. À moins que vous n’ayez un intérêt personnel…»
    Saint-Cyr laissa sa phrase en suspens, et Bell se demanda ce qu’il savait réellement. Il avait lu ses articles parus dans Le Petit Marseillais au moment de la première incarcération de Charging Elk à la préfecture, et il avait été contraint d’admettre qu’avec ses deux papiers enflammés, le journaliste avait obtenu plus de résultats que lui qui bénéficiait pourtant de l’appui du gouvernement américain, appui de bien peu d’utilité d’ailleurs, car superbement ignoré par les autorités de Marseille. Saint-Cyr avait probablement sauvé la vie du jeune Indien. Dans cette affaire, le pouvoir de la presse s’était révélé plus efficace que celui des gouvernements de deux des plus grands pays du monde.
    Le serveur apporta une corbeille de pain, et les deux hommes commandèrent chacun une salade niçoise. Saint-Cyr tint à commander également une bouteille de vin et Bell, physiquement et émotionnellement vidé, n’opposa guère de résistance.
    Après le départ du garçon, Bell déclara : « Je présume que vous ne m’avez pas invité à déjeuner pour le seul plaisir de ma compagnie. Il doit y avoir une raison, et je crois la deviner. Alors, autant en venir au fait. »
    Saint-Cyr éclata d’un rire caverneux assez surprenant pour quelqu’un d’aussi svelte que lui, puis il répondit : « Vous êtes un peu trop direct pour moi, monsieur Bell. Mener les interviews, c’est censé être mon boulot. » Il se pencha en avant, redevenu soudain sérieux. « C’est au sujet de l’Indien, naturellement. Je n’ai pu obtenir aucune information de la part de la police sur cette affaire. J’ai parlé au reporter qui a écrit le petit article à propos du meurtre, mais il n’en sait pas davantage. » Le journaliste s’interrompit un instant, jouant avec un morceau de pain, comme s’il hésitait à poser la question, puis il reprit : « J’espérais… est-ce que vous pouvez m’apprendre ce qui s’est passé exactement rue Sainte ? »
    Cette fois, ce fut au tour de Bell d’hésiter. Il porta son regard vers les immeubles. La rue Sainte se trouvait juste derrière, et ils étaient là, en train de déjeuner, à deux pâtés de maisons de la scène du meurtre. Malgré sa fatigue, Bell s’efforça de peser le pour et le contre. Devait-il tout dire à un journaliste ? Bien entendu, il connaissait les détails de cette sordide affaire, du moins tels que les lui avait relatés un Vaugirard hors de lui. Que pouvait-il divulguer à quelqu’un qui risquait de détourner les faits et de donner ainsi une mauvaise image du consulat américain et probablement de Bell lui-même ? Ne vaudrait-il pas mieux, et tant pis pour la politesse, se lever tout de suite et prendre congé ?
    Il chercha dans son esprit ce qu’il aurait à gagner en racontant toute l’histoire. Il continua à réfléchir pendant que le garçon remplissait leurs verres puis, machinalement, il trinqua à la santé de Saint-Cyr et

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