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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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bonne chaude-pisse. Il avait dû subir des injections antiseptiques deux semaines durant pour calmer les terribles brûlures, traitement qui l’avait également guéri de la fréquentation des prostituées, du moins de celles de la rue Sainte. Cependant, la brune et confortable Fortune lui manquait.
    Nouveau silence, comme si le nommé Vautrin ne savait pas encore tenir une conversation au téléphone.
    « Est-il détenu à la préfecture ? demanda alors le journaliste. Charging Elk, je veux dire. Cette information ne vous engage à rien. »
    Cette fois, le policier répondit immédiatement : « Vous devriez essayer de joindre le consulat américain, monsieur Saint-Cyr. Leur représentant a passé toute la matinée ici. »
    Saint-Cyr raccrocha et contempla le visage qu’il avait dessiné pendant l’entretien téléphonique. Bien que rudimentaire, on reconnaissait tels qu’il se les rappelait les pommettes saillantes, les yeux bridés, les lèvres minces et les cheveux longs séparés par une raie au milieu qui tombaient sur les épaules. En revanche, il n’avait pas pu représenter l’aura de mort et l’odeur de cendres qui régnaient dans la petite cellule enfouie au sein des entrailles de la préfecture. Aujourd’hui encore, il frissonnait chaque fois qu’il y repensait.
    Charging Elk avait cependant survécu et, apparemment, passé ces quatres dernières années à Marseille. Comment était-ce possible ? Pourquoi n’était-il pas retourné en Amérique ? Ou rejoindre le Wild West Show qui se trouvait encore en Europe au moment de sa libération ? Quelqu’un avait sans doute commis une terrible erreur. Il serait donc resté à Marseille et aurait tué un « important homme d’affaires » qui fréquentait les putains de la rue Sainte. Saint-Cyr, se pourléchant les babines, saisit de nouveau le téléphone.
    Dans les restaurants du quartier du Vieux-Port, on trouvait la clientèle habituelle : vendeuses, bouchers, employés de bureau, financiers de la bourse, militaires et marins, matelots et dockers, mères avec leurs enfants, maris avec leurs maîtresses, vieilles femmes avec leurs petits chiens, boulevardiers… et Franklin Bell. Quand il n’avait pas un déjeuner qui se prolongeait parfois deux ou trois heures, il préférait en général le calme de son appartement ainsi que les salades et les poissons tout simples que lui préparait sa gouvernante.
    Aujourd’hui, néanmoins, il était installé sous un parasol à la terrasse de Chez Louis, entouré de gens gais et bruyants qui semblaient manger avec plaisir. Sirotant une eau minérale, il attendait le célèbre Martin Saint-Cyr. Il se sentait mal à l’aise au milieu de cette atmosphère de fête.
    Il songeait que le climat méditerranéen allait lui manquer. Même la vague de chaleur qui avait sévi pendant deux semaines ainsi que la puanteur qui émanait du Vieux-Port ne parvenaient pas à diminuer le plaisir presque sexuel que lui procurait la ville. Cette journée, par contre, s’annonçait parfaite, chaude mais pas trop, et sous un ciel bleu légèrement brumeux, les Marseillais profitaient de leurs rares moments de loisir.
    Bell se tourna vers la large avenue et regarda deux jeunes femmes en élégantes robes longues et chapeaux de paille ornés de rubans de velours rouge voletant dans la brise, qui marchaient bras dessus, bras dessous en riant comme si elles n’avaient pas un seul souci au monde. En temps normal, il aurait évalué leurs charmes, mais aujourd’hui, il se borna à leur envier leur jeunesse et leur innocence. Elles paraissaient être chez elles ici, tandis que lui, il se sentait partout étranger.
    Il vit alors un homme mince âgé d’à peine une trentaine d’années en costume blanc, chemise bleue amidonnée, cravate rouge et canotier à ruban à rayures multicolores s’écarter pour laisser passer les deux filles, puis se faufiler parmi les tables de la terrasse de Chez Louis. Bell n’avait jamais rencontré Saint-Cyr, mais il reconnut les traits délicats, la fine moustache et la barbiche soigneusement taillée d’après le portrait illustré qui figurait en tête de son éditorial dans La Gazette du Midi. L’Américain se leva, surpris de constater combien, en chair et en os, le dandy paraissait plus jeune.
    « Monsieur Saint-Cyr ? Franklin Bell.
    —  Enchanté, monsieur Bell. Je vous remercie d’avoir accepté de me rencontrer. Et par une si agréable journée. »
    Bell demeura interloqué

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