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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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partie lésée, même quand il s’agit des États-Unis d’Amérique, finisse par renoncer. Il est humain, monsieur Bell, d’abdiquer à un moment ou un autre au cours de cet interminable processus. Vous n’avez rien à vous reprocher. Que pouviez-vous faire d’autre ? »
    Bien qu’il doutât quelque peu de la sincérité du journaliste – après tout, lui aussi était à sa manière une espèce de fonctionnaire –, le vice-consul se sentit beaucoup mieux que tout à l’heure. Il n’ignorait pas que cette interview constituait un véritable suicide politique, mais il était soulagé d’avoir raconté cette histoire qui, depuis quatre ans, pesait sur sa conscience et lui donnait des cauchemars. Et tant pis si le journaliste déformait ses propos.
    Celui-ci, taillant méticuleusement son crayon avec un petit couteau de poche en argent, reprit sans lever la tête : « Mais vous n’avez pas terminé votre récit.
    — Non, il reste la partie juteuse.
    — Pardon ?
    — Oui, la partie la plus intéressante.
    — Je sais combien c’est difficile pour vous, mais comprenez bien que si je dois aider notre ami, il faut que je sois au courant de tous les détails de ce sordide fait divers.
    — Naturellement. »
    Bell hésitait cependant. Il but un peu du vin de Cassis qui commençait à se réchauffer dans son verre. Il avait envie d’un café, mais il avait surtout envie que l’interview s’achève. Ensuite, il retournerait au consulat affronter Atkinson qui le déchargerait de ses fonctions et organiserait probablement une réunion dès le lendemain matin au cours de laquelle il lui demanderait de remettre les documents en sa possession et de faire le point sur les affaires courantes. Après quoi, il serait libre de préparer sa malle-cabine, ses valises, et quand il monterait à bord du vapeur en partance pour Philadelphie, il serait redevenu un simple particulier, triste épilogue à sa carrière avortée.
    Aussi, ne voyant pas de raison de s’en abstenir, Bell fit au journaliste le récit du meurtre tel qu’il le tenait de Vaugirard, le chef de la police. Mais, au contraire de ce dernier, au lieu de dramatiser, il employa un ton plat et monotone. Il n’avait jamais été un brillant conteur – c’était toujours le lendemain pendant qu’il se rasait ou prenait son petit déjeuner qu’il trouvait la phrase juste, le bon mot irrésistible –, mais là, peu lui importait de provoquer l’ennui de son auditoire, ce qui n’empêcha pas Saint-Cyr de marmonner tout en griffonnant et, à plusieurs reprises, de pousser une exclamation incrédule. Une seule fois il s’arrêta d’écrire.
    « Breteuil ? Armand Breteuil, vous voulez dire ? Le grand cuisinier ?
    — Oui. Il tient un restaurant rue de la Croix appelé La Petite Nani.
    — J’y ai déjà mangé. Son établissement passe pour la meilleure table de toute la Provence.
    — Oui, il paraît.
    — C’est vraiment horrible. »
    L’Américain considéra le dandy d’un air étonné. Qu’est-ce qu’il trouvait horrible ? Les coups de couteau, la gorge tranchée, la mare de sang ou bien le fait que Saint-Cyr ne pourrait plus apprécier la cuisine raffinée de Breteuil à La Petite Nani ?
    « C’est tragique, ajouta l’éditorialiste.
    — En effet », acquiesça Bell d’un ton sec.
    Il termina son récit le plus rapidement possible. Il était exténué, et le vin l’avait rendu somnolent, mais il ne négligea aucun détail. Lorsqu’il se tut, il se cala dans sa chaise et écouta le crayon grincer furieusement sur le papier, tandis qu’il regardait deux balayeurs qui, appuyés sur leurs balais, fumaient à l’ombre d’un marronnier. Il les enviait presque de se livrer à de si simples tâches dans un monde si complexe.
    « Vous avez pu, disiez-vous, vous entretenir avec le Peau-Rouge. Comment était-il ?
    — On ne m’a accordé que vingt minutes. Étonnamment calme. Comme s’il ne se rendait pas compte de la gravité de son acte.
    — D’après vous, il se serait donc laissé prendre ?
    — Oui. Il était allongé sur la chaussée. Il n’a offert aucune résistance.
    — Et la fille, la prostituée dans la chambre de qui le meurtre a eu lieu, vous dites qu’elle a été arrêtée ? »
    Recru de fatigue, Bell avait les yeux qui le piquaient. « Vau-girard a juste dit qu’elle était détenue. Il n’a pas parlé d’inculpation.
    — Elle a un nom ?
    — Personne ne l’a mentionné. » Bell tira

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