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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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rejoindre son pays. D’autant qu’un sinistre pressentiment l’habitait. La mort ren dait trop souvent visite à cette maison, et il avait la certitude que la prochaine fois, elle ne manquerait pas de l’emporter.
    Il passa devant un vaste bâtiment de fer et de verre qui, tout léger et tout ouvert à l’image des cages pour les oiseaux qu’il avait vues sur des marchés, tranchait par rapport aux autres édifices de pierres ou de briques. Situé un peu à l’écart des autres, presque au bord de l’eau, il dégageait des effluves de créatures marines. Bien qu’il fût plongé dans le noir, on devinait des rangées de longues tables qui semblaient recouvertes de métal brillant. Charging Elk se demanda s’il ne s’agissait pas de l’endroit où les femmes venaient laver leur linge. L’odeur de poisson qui régnait partout lui donna la nausée cependant qu’il arrivait à un bassin où étaient amarrés une multitude de petits bateaux en bois. Chacun, muni d’un seul de ces minces arbres dénudés, était exposé aux intempéries. Sur certains s’empilaient de petites cages de bois, tandis que sur d’autres on distinguait des tas de cordes entrecroisées sous une toile accrochée telle une tente à un poteau de bois lui-même accroché en biais à l’arbre nu. Charging Elk savait que c’était du matériel servant à capturer les poissons et ces créatures à carapaces qu’il avait eu l’occasion de voir sur les marchés. Les Lakotas n’avaient pu dissimuler leur étonnement et leur dégoût devant ces drôles d’animaux que ces gens-là mangeaient, en particulier les espèces de bêtes visqueuses aux nombreuses pattes qui paraissaient prêtes à se liquéfier. Featherman avait fait une remarque obscène qui avait provoqué l’hilarité générale, encore que tous soient restés horrifiés.
    Charging Elk déboucha sur une place pavée cernée de bâtiments à deux ou trois étages. À une extrémité se dressait une grande maison sacrée surmontée de deux tours. Dans l’une d’elles, une cloche sonnait. Il se rendit alors compte que, de fait, elle sonnait déjà depuis un moment, mais que le bruit était en partie couvert par le brouhaha qui s’élevait de la foule rassemblée sur la place. Il se réfugia dans une encoignure de porte. Des gens brandissaient des torches qui répandaient une chaude lueur dorée. Au centre, des hommes portaient une femme vêtue d’étoffes de soie bleue et blanche. Assise sur un fauteuil doré, elle avait la tête entourée d’un cercle d’or. Charging Elk crut d’abord qu’elle était vivante, mais comme elle demeurait parfaitement immobile, les mains croisées, il comprit qu’il s’agissait d’une statue sacrée semblable à celles qu’il avait vues dans la ruelle quelques sommeils plus tôt. Les Français lui rendaient un culte et lui faisaient monter les marches de la maison sacrée. Il chercha du regard l’homme en robe marron, le bébé qui gigotait et les hommes aux coiffes étincelantes. Peut-être venaient-ils de Perse. Peut-être Broncho Billy avait-il raison. Et peut-être cette ville était-elle celle d’où venait le monarque de Perse. L’espace d’un instant, il songea qu’il devait se trouver en Perse, mais il réfléchit que cette ville n’était qu’à une distance de train de Paris et que ses habitants étaient habillés comme les autres Français. Pas de vêtements rutilants, pas de bandes d’étoffe enroulées autour de la tête. Et pas de monarque avec son armée de femmes.
    Le jeune Indien suivit des yeux la procession qui grimpait lentement les larges marches de la maison sacrée. Les voix, en réalité, n’étaient pas vraiment fortes, mais continuelles. Tout le monde paraissait chanter la même chose en même temps, entourant la statue et un homme en robe rouge qui portait une croix en or au milieu de laquelle luisait comme une petite flamme rouge. Ceux qui marchaient devant, vêtus de robes dorées et coiffés de hauts chapeaux rigides, étaient à l’évidence des hommes sacrés. L’un d’eux tenait un long bâton-à-coups dont la crosse oscillait doucement au-dessus de la foule, tandis que deux autres balançaient des boîtes de fer qui produisaient de la fumée et obligeaient ceux qui regardaient à baisser la tête et à faire des signes à l’aide de leurs mains droites à l’exemple de ceux qu’il avait vus à Paris dans la grotte sombre de la maison sacrée.
    Les hommes en habits dorés entrèrent dans

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