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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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la grande demeure, suivis par la foule, et les portes se refermèrent. La cloche s’était tue et, d’un seul coup, le silence régna de nouveau aux alentours. Les torches avaient elles aussi disparu et seuls les éclairages au sommet des poteaux projetaient sur les pavés mouillés leurs ronds blancs de lumière froide.
    Charging Elk se demanda quelle pouvait être cette cérémonie à laquelle les hommes blancs prenaient part durant la lune-des-arbres-qui-éclatent. Elle était sans nul doute sacrée, et peut-être même autant que le w iwanyag wachipi, mais la Danse-en-regardant-le-Soleil avait lieu, elle, pendant la lune-des-merises-rouges quand il faisait chaud et quand, de là-haut, Soleil contemplait le plus longtemps son peuple au cours de son voyage annuel.
    Maintenant, le peuple n’avait plus le droit d’exécuter la Danse du Soleil, de même qu’il n’avait plus le droit de parler lakota, mais de nombreux Indiens de Pine Ridge venaient malgré tout au Bastion afin de participer à la Danse du Soleil. Les Blancs ne s’intéressaient pas à ceux qui vivaient là-bas, de sorte qu’ils étaient libres de pratiquer selon la voie ancestrale la plus sacrée de leurs cérémonies.
    Agé de dix-sept hivers, Charging Elk avait fait le sacrifice de sa chair devant le w agachun. Cela se passait un hiver après que Blaireau lui avait rendu visite pour lui donner sa puissante médecine. Alors qu’il dansait autour de l’arbre sacré, la souffrance causée par les lanières de cuir plantées dans sa poitrine était devenue si intolérable qu’il crut être sur le point de se déshonorer, mais au moment où il allait crier, la douleur cessa et il entra dans un autre monde. Il avait l’impression de se regarder danser et souffler dans le sifflet en os d’aigle cependant qu’il pénétrait dans le Grand Mystère où il voyait les ancêtres ainsi que les grands troupeaux de bisons sous le vent, le soleil et la lune. Il voyait aussi de nombreux êtres sacrés, et il sut que c’était le monde réel. Il entendit le battement du tambour, et il sut que c’était le battement du cœur du can gleska, où tous deviennent un. Comme il dansait, il percevait le martèlement de ses pieds, la flèche acérée de son sifflet, et il sentit que les ténèbres l’emportaient. Plus tard, dans la tente à bain de vapeur du pejuta wicasa, il fit le vœu de vivre toujours selon l’ancienne voie, de ne participer qu’aux cérémonies lakotas, d’éviter et d’ignorer celles des wasichus. Il avait tenu sa promesse de son mieux.
    La place était maintenant déserte et Charging Elk, venant d’assister à l’une des cérémonies des hommes blancs, eut envie d’entrer dans leur maison sacrée pour en apprendre davantage. Il voulait être parmi eux, dans ce lieu sacré où il faisait chaud, mais il savait qu’à peine aurait-il franchi le seuil les gens le dévisageraient et, peut-être, le jetteraient dehors parce qu’il était différent d’eux. Ou, pire, ils le prendraient pour un ennemi.
    Replié sur lui-même, ne pensant qu’à sa solitude dans le froid de la nuit alors que les wasichus se trouvaient dans leur demeure sacrée en compagnie de leur femme sainte et de leurs chefs en habits dorés, il n’entendit pas résonner sur les pavés humides les pas qui approchaient, sinon il aurait pu s’enfoncer plus profondément dans l’ombre ou bien tourner le coin d’une démarche assurée pour reprendre le chemin du port. Dans les grandes villes, avait-il eu l’occasion de remarquer, on prêtait rarement attention aux gens qui paraissaient savoir où ils allaient.
    Il sursauta au son d’une voix derrière lui : « Pardon, monsieur. » C’était à lui qu’on s’adressait. Il se retourna.
    L’homme portait une cape noire brillante qui lui arrivait sous les genoux et une haute casquette munie d’une visière. Il ajouta quelque chose qui ressemblait à une question. Le regard de Charging Elk se posa sur les boutons d’argent d’une tunique que la cape laissait entrevoir. Il haussa les épaules et constata que l’homme tenait à la main un long bâton. Il savait qu’il avait affaire à un akecita, car il en avait déjà vu qui patrouillaient dans les rues de Paris et même de Marseille. Il était parvenu à les éviter tous ces derniers sommeils, de sorte qu’il s’en voulait de s’être ainsi laissé surprendre. Il haussa de nouveau les épaules, évitant de regarder le policier en face. Il avait pu

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