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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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cependant juger que l’homme était plus grand que la majorité des gens de cette ville, encore qu’il mesurât presque une tête de moins que lui. Il était également plus frêle, et il serrait si fort son bâton que ses jointures en blanchissaient. Charging Elk estima qu’il réussirait sans trop de difficultés à lui sauter dessus et à le retourner afin, d’un geste vif, de lui briser la nuque ou de lui broyer la trachée. L’un des hommes âgés réfugiés au Bastion, l’un de ceux qui avaient affronté de nombreuses fois l’ennemi, leur avait montré, à Strikes Plenty et à lui, comment il s’était servi de cette prise pour se débarrasser d’un ennemi qui croyait l’avoir acculé.
    Charging Elk, cependant, les yeux toujours rivés sur les boutons d’argent, ne bougea pas. Il se contenta de se préparer à agir, tandis que l’ akecita continuait à parler d’une voix de plus en plus forte et qui se faisait menaçante.
    Il s’était battu trois ou quatre fois, mais seulement une fois contre un Blanc, un mineur qui l’avait surpris à voler de la nourriture dans sa cabane. Charging Elk l’avait assommé à l’aide d’une cafetière à moitié pleine, puis il s’était enfui. Strikes Plenty et lui avaient beaucoup ri de l’aventure, mais plus tard, Charging Elk avait regretté de ne pas avoir pris la chevelure du mineur. Sur le moment, il n’avait pensé qu’à se sauver. De toute façon, on ne tirait plus aucune gloire à scalper les ennemis, car il n’y avait plus de véritables ennemis. L’époque où l’on revenait au camp en brandissant le scalp d’un ennemi et où le peuple chantait un chant d’honneur était révolue. Aujourd’hui, les Indiens des réserves seraient furieux et auraient peur des représailles.
    Charging Elk sentit son esprit combatif l’abandonner. Il se rendait compte qu’il était aussi impuissant dans ce pays étranger de l’autre côté de la grande eau que les siens sur leurs propres terres. Il savait que sa médecine-blaireau ne lui serait ici d’aucun secours. Il ne lui restait plus que son chant de mort, et le moment n’était pas encore venu de l’entonner.
    Le policier l’empoigna par le bras et le poussa vers une rue qui partait de la place.
    Charging Elk demeura longtemps assis sous l’unique fil jaune éclairant la petite pièce d’un bâtiment qui semblait en comporter une multitude de semblables. Installé sur une chaise inconfortable, le manteau boutonné jusqu’au cou, il avait repoussé son chapeau sur son crâne, si bien que ses longs cheveux lui tombaient plus bas que les épaules. Ses yeux, réduits à deux fentes, n’exprimaient rien.
    Plusieurs policiers vinrent le regarder, par groupes de deux ou trois. Ils échangeaient quelques mots entre eux en le montrant du doigt, puis ils ressortaient. Personne ne s’adressait directement à lui. L’un d’eux, néanmoins, s’enhardit à lui tendre son tabac et son papier. Charging Elk se roula une cigarette et accepta l’allumette du policier avec un geste de remerciement. L’homme haussa les épaules et esquissa un sourire avant de s’en aller. Un instant plus tard, des cris et des rires retentirent dans le couloir sur lequel donnait la pièce.
    Tout en fumant sa cigarette, Charging Elk examina la table devant lui. Il y avait une pile de papiers bien rangés et un pot rempli de bâtons à écrire. Sur le mur, juste au-dessus, figurait la photographie d’un homme à la barbe blanche en costume noir barré d’une écharpe, sans doute le patron de ces policiers, se dit-il. En haut d’un mât flottait un drapeau bleu, blanc, rouge qu’il savait être celui de la France. En effet, au cours de la grande parade qui annonçait le début du spectacle de Buffalo Bill, les soldats le brandissaient en même temps que le drapeau américain. Ensuite, après que la troupe à cheval avait fait plusieurs fois le tour de la piste, le Cowboy Band jouait les chants de pouvoir des deux pays, tandis que le public se levait. Charging Elk aimait bien ces chants, car à la fin, les spectateurs applaudissaient et poussaient des hourras. Ils étaient prêts pour le Wild West Show, et les Indiens prêts à les satisfaire. Ne portant que leurs pagnes, leurs mocassins et leurs coiffes, ils poursuivaient les bisons, puis la diligence de Deadwood avant de tenter d’incendier la cabane d’un pionnier, de se livrer à une danse du scalp et enfin de charger le 7 e  de Cavalerie à l’Herbe Grasse. Buffalo

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