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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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instinctivement, jeta un coup d’œil autour de lui, puis s’empressa d’empocher le billet et la monnaie. « Je verrai ce que je peux faire, dit-il.
    — Rapidement ?
    —  Oui, oui, monsieur. Rapidement. »
    Saint-Cyr n’avait aucune confiance en lui, mais il ne pouvait rien faire de plus. En revanche, lui-même pouvait tenter de faire quelque chose pour l’Indien. Pour Charging Elk. Il se força à prononcer en pensée le nom de cet homme. Il se força à le regarder bien en face. C’était un homme, un être humain, et s’il n’intervenait pas d’une manière ou d’une autre, cet être humain mourrait.
    Pour l’instant, il ne pouvait que poser un paquet de cigarettes et une boîte d’allumettes sur le grabat, à portée de la main brune de Charging Elk. « Pour vous, dit-il en anglais. Ne vous inquiétez pas, je vais vous faire sortir de cette sinistre prison. Comptez sur moi, monsieur Charging Elk. »
    Charging Elk entendit la clé tourner dans la serrure et le verrou se mettre en place avec un faible écho métallique, puis ce fut le silence. Il ramena les genoux sous son menton et regarda les grains de poussière soulevés par son mouvement danser dans le rayon de lumière.
    Il n’avait pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis son arrivée dans la chambre de pierres de la maison de fer. Malgré le froid, il avait beaucoup dormi et rêvé de chez lui. Dans ses songes, il voyait les aigles royaux monter en flèche dans le ciel du Bastion, il entendait l’aboiement et le hurlement des coyotes dans la nuit, il sentait l’odeur de l’armoise portée par le vent printanier et celle des morceaux de gibier cuisant sur un feu automnal, il plongeait ses mains en coupe dans les rivières claires des Paha Sapa et l’eau glacée dont il aspergeait son visage en sueur lui coupait le souffle. Comme ses rêves étaient dans l’ensemble agréables, il continuait à dormir. Il voyait sa mère cueillir des baies dans les Bighorns et son père nettoyer son fusil-à-plusieurs-coups dans le tipi sur l’Herbe Grasse. Son frère et sa sœur jouaient avec des balles faites de chiffons dans le calme du soir au milieu du grand campement. Strikes Plenty et lui attrapaient des sauteuses ailées qu’ils lançaient dans l’eau à l’intention des nageurs glissants.
    Ses rêves s’achevaient parfois dans les ténèbres de la nuit, parfois dans la lumière du jour dispensée par la haute fenêtre. Ils pouvaient se terminer agréablement, ou bien sur l’image des soldats attaquant le grand campement de l’Herbe Grasse, ou encore sur les siens qui descendaient dans la vallée vers Fort Robinson avec ses nombreux soldats et son drapeau de l’Amérique.
    Une fois, il rêva de Crazy Horse. Le grand chef guerrier lui prédit qu’un jour, il irait dans le pays où le soleil se lève, de l’autre côté de la grande eau, le pays d’où venaient les wasi-chus. Crazy Horse ajouta qu’il ne pourrait pas l’accompagner, car il serait bientôt tué par des hommes de son propre peuple. Charging Elk voulut prendre le bras du wicasa yatapika, mais il avait disparu. Crazy Horse n’était plus qu’un nuage dans le ciel au-dessus des Mauvaises Terres.
    Certains de ses rêves inquiétaient le jeune Indien, tandis que d’autres le réconfortaient, mais tous étaient bienvenus, car il se savait près de rejoindre ses ancêtres. C’était pour cette raison qu’il chantait son chant de mort toute la journée et qu’il rêvait de chez lui toute la nuit. Et chaque soir, il priait Wakan Tanka qu’arrive enfin celui où il ferait la traversée de la grande eau. Il priait même Blaireau de lui communiquer la force d’entreprendre le voyage, bien qu’il fût persuadé que son pouvoir n’opérait plus, que son animal-pouvoir ne pouvait pas l’entendre dans cette maison de fer si lointaine.
    Comme il ramenait les pans de son manteau autour de ses jambes, sa main effleura le paquet de cigarettes. Le bleu de l’emballage lui rappela les ciels clairs au-dessus des Paha Sapa, et il pensa aux êtres sacrés qui les peuplaient. Il se souvint aussi des cérémonies au Bastion, présidées par le vieux pejuta wicasa, et qui commençaient toujours par l’herbe qu’on fumait.
    Il prit l’un des bâtons à fumer qu’il pointa vers le ciel, vers la terre, puis vers les quatre directions, adressant tour à tour une prière à chacun d’eux. À l’exemple du saint homme, il pria les êtres sacrés et les

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