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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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    Chapitre 1
     
    — Maudit verrat,
qu'il fait chaud aujourd'hui! se plaignit à haute voix Laurette Morin en se
laissant tomber dans sa vieille chaise berçante en bois qui craqua sous son
poids imposant.
     
    La femme, vêtue
d'une vieille robe fleurie bleue, but une gorgée de cola et s'alluma une
cigarette avant de songer à soulever son large postérieur pour repousser sa
chaise plus près du mur de brique décolorée de la vieille maison de la rue
Emmett dont elle occupait le rez-de-chaussée avec sa famille depuis maintenant
vingt ans.
     
    Ce simple effort
suffit à lui couvrir le front d'une sueur abondante qu'elle s'empressa
d'essuyer avec un mouchoir tiré de la poche de sa robe. Une résille recouvrait
les bigoudis sur lesquels étaient enroulés ses cheveux bruns.
     
    Depuis deux
jours, le soleil d'août se dissimulait sous une importante couverture nuageuse.
Cet épais édredon gris sale rendait l'air irrespirable dans le quartier. La
suie émise par les cheminées de la Dominion Rubber de la rue Notre-Dame collait
à la peau et les odeurs entêtantes de cette usine se mêlaient à celles de la
Dominion Oilcloth.
     
    Depuis le début
de cet été 1952, on n'avait pas connu une humidité aussi écrasante.
     
    En cette fin de
vendredi après-midi, la petite rue Emmett, qui reliait les rues Fullum et
Archambault, au sud de la rue Sainte-Catherine, semblait étrangement calme,
comme assommée par la chaleur dégagée par l'asphalte surchauffé. A faible
distance à l'ouest, on pouvait voir une section de la structure métallique du
pont Jacques-Cartier.
     
    Pas un brin
d'herbe nulle part pour reposer l'oeil de toute cette grisaille. Même si les
cinq maisons délabrées à un étage, situées du côté sud de la rue, profitaient
un peu de l'ombre créée par les vieilles maisons à deux étages qui leur
faisaient face de l'autre côté de la rue étroite, il n'en restait pas moins que
la mère de famille étouffait. Assise devant la porte ouverte de son
appartement, elle fixait d'un oeil morne l'unique escalier extérieur situé de
l'autre côté de la rue, à deux pas du restaurant-épicerie Brodeur qui occupait
le coin.
     
    Un gros camion
passa en grondant sur Fullum. Il fut suivi par un taxi Vétéran jaune et noir
qui tourna sur la petite artère et vint s'arrêter doucement le long du
trottoir, près de Laurette Morin.
     
    — Puis, madame
Morin, est-ce qu'il fait assez chaud à votre goût? lui demanda le chauffeur, un
grand homme maigre, en claquant la portière du véhicule dont il venait de
s'extraire.
     
    — Parlez-moi en
pas, répliqua sa voisine d'une voix éteinte. On crève.
     
    — Découragez-vous
pas, madame Morin, fît une voix sèche en provenance de la fenêtre juste
au-dessus d'elle. On va finir par avoir un bon orage qui va nettoyer tout ça.
     
    En entendant
cette voix, Laurette leva la tête pour voir Emma Gravel penchée à la fenêtre de
son salon.
     
    L'épouse du
chauffeur de taxi était une femme minuscule dont la petite figure pointue était
encadrée par une épaisse chevelure noire. Charles Gravel, planté au bord du
trottoir, souleva sa casquette pour s'éponger le front avant de se diriger vers
la porte voisine de celle des Morin.
     
    12 LA FAMILLE
MORIN.
     
    L'homme ouvrit et
se mit en devoir d'escalader l'escalier intérieur qui permettait d'accéder à son
appartement.
     
     
     
    — Maudit que
j'aimerais ça être mince comme vous, madame Gravel, déclara Laurette pour se
montrer aimable.
     
    Il me semble que
j'aurais moins chaud.
     
    — Dites pas ça,
madame chose, reprit la voisine. Mon mari passe son temps à dire que j'ai l'air
pauvre parce que je suis trop maigre.
     
    Le mince sourire
qui apparut sur les lèvres de Laurette révéla qu'elle pensait la même chose.
     
    — J'y pense tout
à coup en vous regardant d'en haut, reprit Emma Gravel. Dites-moi pas que vous
vous êtes fait donner une Toni aujourd'hui?
     
    — Ben oui. Je
peux pas dire que j'ai choisi ma journée pour me faire donner un permanent,
moi, se plaignit Laurette. Mais ça faisait deux semaines que j'avais demandé à
madame Rocheleau de passer. Quand elle est arrivée à matin pour me friser, je
pouvais pas lui dire non.
     
    — Vous en avez eu
de la grâce de vous faire faire ça en pleine chaleur comme aujourd'hui, la
plaignit la femme du chauffeur de taxi. Moi, je me trouve chanceuse de friser
naturel et de pas avoir besoin de permanent. Bon, c'est bien beau tout ça,

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