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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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qu'il
était «tanné d'avoir les guenilles de Jean-Louis et de faire rire de lui parce
qu'il était toujours habillé comme un quêteux». L'adolescent exagérait à peine.
Il portait les vieux vêtements de son frère aîné depuis plusieurs années,
vêtements que Richard achevait d'user à son tour lorsqu'ils ne lui allaient
plus.
     
    Gilles n'était
pas particulièrement vaniteux. Cependant, il se gardait bien de révéler à son
confident que son but principal était de séduire Nicole Frappier de la rue
Archambault. Il rêvait de cette adolescente à la séduisante chevelure blonde et
bouclée depuis plusieurs mois sans oser l'approcher. Comme elle ne le regardait
même pas quand il la croisait, il en avait conclu qu'elle le trouvait trop
miteux avec son vieux pantalon brun et ses chemisettes décolorées.
     
    Malheureusement,
toutes ses démarches pour se trouver un emploi régulier avaient échoué. Ses
espoirs d'effectuer des livraisons pour la fruiterie Laurencelle ou la
pharmacie Charland avaient été vains. Seul le propriétaire de l'épicerie Tougas
de la rue Sainte-Catherine avait accepté de l'engager comme livreur, mais à
temps partiel, lorsque son livreur était débordé. Par conséquent, l'adolescent
n'avait du travail que durant la journée du samedi et, parfois, le vendredi
soir lorsque Vincent Poirier avait trop de commandes à livrer. Tougas lui
donnait un dollar par 23 soirée de travail et deux dollars pour la journée de samedi.
     
    Trois dollars
représentaient une belle somme, mais il fallait tenir compte que sa mère
s'accaparait de la moitié de son salaire «pour sa pension», disait-elle, ce qui
était loin de lui plaire.
     
    — Mange tout de
suite d'abord, fit sa mère en allant chercher d'autres tomates dans le
réfrigérateur. Et vous autres aussi, ajouta-t-elle à l'intention de Richard et
de Carole, qui venait d'entrer dans la pièce. Jean-Louis viendra pas souper, il
a apporté son lunch à l'ouvrage.
     
    Laurette regarda
ses enfants s'attabler en essuyant la sueur qui perlait sur son front.
     
    — Moi, je
souperai toute seule avec votre père, ajouta-t-elle. Carole, tu te feras aider
par Richard pour remettre de l'ordre dans la cuisine quand vous aurez fini de
souper.
     
    Moi, je sors;
j'en peux plus. Il fait trop chaud ici dedans.
     
    — Aie, je suis
pas une fille, moi! protesta son jeune fils.
     
    — Toi, si tu veux
pas aider à remettre de l'ordre dans la cuisine après le souper, t'as juste à
aller manger ailleurs, le rembarra sa mère d'une voix cinglante.
     
    Sur ces mots bien
sentis, la mère de famille retourna s'asseoir à sa porte après avoir déposé sa
chaise berçante sur le trottoir. En levant la tête, elle remarqua que le ciel
s'était encore assombri. Charles Gravel sortit au même moment de la maison. Lui
aussi eut le réflexe de regarder vers le ciel avant d'ouvrir la portière de son
taxi.
     
    — On va pourtant
y goûter, prédit-il. J'espère que votre mari est revenu de travailler, madame
Morin.
     
    — Pas encore,
répondit Laurette, mais il devrait pas trop tarder.
     
    Au moment où la
Chevrolet jaune et noire s'engageait sur la rue Archambault, Denise apparut à
la porte, prête à retourner au travail.
     
    24 LA FAMILLE
MORIN
     
    — Tu ferais mieux
de prendre un parapluie, lui conseilla sa mère. Il est à la veille de mouiller.
     
    — Je l'ai laissé
au magasin, se contenta de dire la jeune fille, avant de traverser la rue
Emmett. Je vais me dépêcher.
     
    Moins de cinq
minutes plus tard, Laurette vit passer Gilles sur la rue Archambault, en
provenance de la grande cour commune située à l'extrémité de l'artère.
L'adolescent était debout sur le pédalier de l'antique CCM noire, uniquement
occupé à essayer de prendre de la vitesse. La lourde bicyclette prêtée par le
propriétaire de l'épicerie était munie d'un large panier métallique à l'avant
et produisait des grincements qu'on entendait de loin. À voir le cycliste
s'échiner de la sorte, il était évident qu'il devait déployer une bonne dose
d'énergie pour faire avancer cette antiquité.
     
    En voyant Gilles
passer à quelques dizaines de pieds d'elle, Laurette eut envie de lui rappeler
de faire attention en traversant les rues, comme elle le faisait chaque fois
qu'il partait travailler. Quand elle se décida à ouvrir la bouche pour le
mettre en garde, il avait déjà disparu. Elle haussa les épaules et s'alluma une
cigarette avant de tourner la tête

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