A l'écoute du temps
voix un peu chevrotante.
— Non, je lui ai
demandé d'aller vous attendre dans le hall, répondit la religieuse en
l'entraînant avec elle, loin de la porte de la chambre de Gérard. Tout d'abord,
pour le pyjama, la robe de chambre et les pantoufles, ce n'est pas une urgence.
J'en trouverai sûrement à sa taille en attendant.
Laurette comprit
qu'il s'agirait probablement d'effets laissés par d'anciens patients guéris ou
décédés et elle réprima difficilement un frisson.
— Je dois vous
expliquer certains règlements du sanatorium, madame Morin, poursuivit soeur
Émilienne.
Les visites ne
sont permises que le dimanche après-midi et aucun enfant n'est admis. Durant
les premiers mois de traitement, les patients n'ont pas le droit de sortir du
sanatorium. Nous n'acceptons pas qu'on leur apporte du tabac, des cigarettes ou
de l'alcool.
— C'est correct,
ma soeur.
— Je ne sais pas
si votre médecin vous l'a dit, madame, mais je vous le rappelle quand même. La
tuberculose est une maladie infectieuse. Elle est très contagieuse. Si vous
remarquez qu'un de vos enfants tousse, perd l'appétit ou fait des poussées de
fièvre dans les prochaines semaines, n'hésitez pas. Amenez-le immédiatement à
l'Institut Bruchési pour une radiographie des poumons.
— Vous pouvez
être certaine que je vais surveiller, promit Laurette.
524 UN MALHEUR
— Je vais prier
pour la guérison de votre mari, promit la religieuse. Ayez confiance et priez,
vous aussi, ajouta-t-elle en la guidant jusqu'à la porte d'entrée de
l'institution.
— Merci, ma
soeur.
Laurette sortit
du sanatorium et retrouva son frère qui l'attendait à l'extérieur en fumant.
Tous les deux montèrent à bord de la Dodge sans dire un mot. Ils ne
remarquèrent pas Gérard, debout devant l'une des fenêtres, leur faisant un
signe de la main.
La mère de
famille ne rentra à la maison qu'un peu après cinq heures. Le soleil commençait
à se coucher et la température s'était refroidie. Jean-Louis et Denise
n'étaient pas encore revenus de leur travail. Elle trouva les trois plus jeunes
en train de faire leurs devoirs dans la cuisine sous la surveillance d'Emma
Gravel. A la vue de leur mère, tous les trois se précipitèrent vers elle pour
avoir des nouvelles de leur père. La voisine n'avait pas voulu leur en parler.
— Tout à l'heure,
leur dit-elle. Laissez-moi ôter mon manteau et souffler un peu.
Pendant que les
enfants attendaient avec impatience, Laurette remercia sa voisine avec effusion
et l'accompagna jusqu'à la porte.
— Puis, m'man, où
est-ce qu'il est, p'pa? demanda Richard.
La mère de
famille s'assit à un bout de la table et fit signe à ses enfants de l'imiter.
Devant sa mine grave, les trois jeunes se turent, attendant des nouvelles de
leur père.
— Votre père a
été placé dans un sanatorium parce qu'il a la tuberculose et que c'est
contagieux.
— Est-ce qu'il va
être là longtemps? s'informa Richard, secoué par la nouvelle.
525
— Au moins un an.
— Un an! s'écria
Carole, les larmes aux yeux.
— Oui. Au moins,
répéta sa mère.
— Quand est-ce
qu'on va pouvoir aller le voir? demanda Gilles.
— Il a droit à
des visites juste le dimanche après-midi et les enfants peuvent pas y aller.
— Mais on n'est
pas des enfants! protesta Richard.
— Je sais pas à
partir de quel âge les enfants peuvent entrer, lui dit sa mère d'une voix
lasse. Je le demanderai quand j'irai voir votre père la prochaine fois.
L'important, c'est que vous devez pas parler de ça à personne, vous m'entendez?
— Pourquoi?
demanda Carole.
— Parce que le
monde a peur de cette maladie-là. Si vous en parlez, vous allez voir que vos
amis viendront plus vous voir parce que leurs parents vont leur défendre de le
faire.
— Qu'est-ce qu'on
va dire d'abord? fit Richard.
— Vous avez juste
à dire que votre père est à l'hôpital Notre-Dame et qu'il a une maladie de
coeur, par exemple, suggéra Laurette. Bon, ça va faire, il faut souper,
reprit-elle après un bref moment de silence.
— J'ai épluché
des patates avec madame Gravel, dit Carole. Elles devraient être presque
cuites.
— Il reste du
steak haché. On va manger des boulettes de steak haché avec des patates,
annonça Laurette aux siens. Enlevez vos affaires sur la table. Carole, commence
à mettre la table. Jean-Louis et
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