A l'écoute du temps
eux autres, ils sont assez vieux pour se débrouiller. Je leur laisse
un petit mot sur la table. En plus, ils ont tous la clé de la porte d'entrée.
Laurette revint
chez elle en se disant que, parfois, on pouvait compter bien plus sur les
étrangers que sur les membres de sa propre famille.
Dix minutes plus
tard, Armand Brûlé se présenta à la porte des Morin en même temps que la
voisine. Ce dernier refusa la tasse de café offerte et s'empara de la valise de
son beau-frère qu'il alla déposer dans le coffre de sa vieille Dodge stationnée
devant la maison. Gérard et Laurette montèrent à bord du véhicule après avoir
remercié Emma Gravel.
— Bon. Où est-ce
qu'on va? demanda Armand sans s'adresser à l'un ou à l'autre en particulier.
— Au sanatorium
Saint-Joseph, sur le boulevard Rosemont. Il paraît que c'est passé Viau, dans
l'Est, répondit Gérard, un peu gêné du subterfuge utilisé par sa femme pour
obtenir l'aide de son frère.
— On y va, se
contenta de dire l'employé de Molson.
Durant tout le
trajet, le beau-frère se garda de poser des questions sur l'état de santé de
Gérard. Il fît même des efforts méritoires pour parler de n'importe quoi
d'autre.
Lorsqu'il
immobilisa son vieux véhicule dans le stationnement du sanatorium, il descendit
de voiture, ouvrit le coffre et empoigna la valise.
— Je suis ben
capable de la porter, dit Gérard en avançant la main.
— Je le sais,
rétorqua Armand sur un ton plaisant, mais je m'en occupe pareil parce que je
veux entrer pour voir comment ils vont t'installer.
Laurette
accompagna son mari jusque dans l'entrée où la réceptionniste alerta par
téléphone une religieuse 519 répondant au nom de soeur Émilienne. Moins de deux
minutes plus tard, une petite femme aux gestes vifs se dirigea vers eux dans un
froufroutement de jupes après avoir adressé un signe de tête à la jeune femme
qui l'avait appelée.
— Bonjour.
Monsieur et madame Morin, je suppose? demanda-t-elle avec une joyeuse
animation.
— En plein ça, ma
soeur, répondit Laurette, un peu intimidée par l'endroit inconnu où elle venait
de pénétrer.
Gérard ne dit
rien, mais hocha la tête pour saluer la religieuse. Pendant ce temps, Armand
Brûlé, demeuré à l'écart, avait l'air de garder la valise de son beau-frère
comme si elle contenait des biens précieux.
— Bon. C'est
parfait, dit soeur Émilienne en souriant chaleureusement. Pendant que je vais
installer votre mari, vous, madame Morin, vous pouvez aller rencontrer notre
soeur économe. Vous allez trouver la comptabilité à cet étage, la dernière
porte, au bout du couloir. Vous n'avez pas de valise, monsieur Morin?
demanda-t-elle en se tournant vers Gérard.
— Oui, ma soeur.
C'est mon beau-frère qui l'a transportée.
Elle est là,
précisa-t-il en désignant son maigre bagage à l'autre bout du hall.
Sans perdre un
instant, soeur Émilienne s'approcha d'Armand et s'empara de la valise.
— Je suppose que
vous voulez ramener madame Morin chez elle? demanda-t-elle au frère de
Laurette.
— Oui, ma soeur.
— Dans ce cas,
vous pouvez vous asseoir. Dans une dizaine de minutes, vous devriez être en
mesure de repartir.
Suivez-moi,
monsieur Morin, ordonna-t-elle à Gérard en tournant la tête vers lui.
Pendant que
Gérard et la religieuse disparaissaient derrière une porte battante, Laurette
s'engagea dans le 520 UN MALHEUR couloir au bout duquel elle trouva la porte
marquée Comptabilité. Elle frappa. On la pria d'entrer. Elle découvrit une
soeur de la Miséricorde grande et sèche assise derrière un bureau. La
religieuse la scruta soigneusement dès qu'elle posa le pied dans la petite
pièce encombrée de classeurs. Elle indiqua à la visiteuse une chaise placée
devant son bureau, sortit un dossier d'un tiroir et se mit à lui poser des
questions précises autant sur les membres de sa famille que sur l'état des
finances familiales. Pour terminer, l'économe du sanatorium demanda à Laurette
de signer divers documents.
— Quelle somme
êtes-vous en mesure de nous verser chaque mois pour l'entretien de votre mari?
demandât- elle après avoir refermé le dossier devant elle.
Le visage de
Laurette rougit avant d'admettre que la famille vivait grâce au salaire de son
mari et qu'elle ne savait même pas encore comment elle allait nourrir les siens
durant le séjour de ce dernier au
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