A l'ombre de ma vie
savais me faire respecter par les clients. Et question
commerce, j’avais prouvé de quoi j’étais capable. Mais, en fait, je m’ennuyais.
Je n’étais plus dans mon élément, je me languissais de mes postes de
directrice, de chef de département, des responsabilités qui vont avec et de
l’effervescence de ces temps-là.
C’est à ce moment, bizarrement, que j’ai reçu le coup de fil
de Sébastien. Il était déjà installé au Mexique depuis un moment, il y vivait
avec Iolany, sa femme, et leurs deux enfants. J'étais allée deux fois au
Mexique, en vacances, et ce pays m’avait plu. Quand j’ai reçu son appel,
j’étais au fond du trou. Il avait dû l’apprendre par notre mère. Je me
demandais ce que j’avais fait de ma vie, je me reprochais d’avoir tout foutu en
l’air à cause de mon impatience, de mon orgueil. J’étais devenue serveuse, ma
vie partait de travers et je ne me voyais pas d’avenir. Sébastien me proposait
d’aller travailler là-bas avec lui et Iolany, ils étaient associés dans une
entreprise de matériel médical qu’ils commercialisaient. Il travaillait déjà
avec un certain Eduardo Margolis. J’hésitais un peu, à cause de cette proposition
d’association à Béthune. Je savais que je pouvais améliorer le restaurant,
l’agrandir. Mais l’expérience mexicaine m’a parue plus tentante.
C’était en février, mon père était très occupé par son
entreprise, ma mère aussi avec son travail, et je me suis décidée toute
seule ; je ne sais même plus comment on en a parlé, ce qu’ils m’ont dit.
De toute façon, ma décision était prise. Avec Sébastien, je me sentais en
sécurité et ça ne me posait aucun problème de changer de pays. Bien au
contraire, cela annonçait de nouveaux challenges !
J’arrive à Mexico le 11 mars 2003. Sébastien m’attend dans
cet aéroport un peu vieillot qui grouille de bruits et de couleurs. Pour moi,
c’est une nouvelle vie qui commence. Je suis contente de retrouver mon frère,
il a l’air heureux, bien dans sa peau. C’est le plus jeune de mes deux frères,
j’ai toujours été très proche de lui. D’Olivier aussi, d’ailleurs. Il est plus
réservé, peut-être plus timide, mais je sais qu’il m’aime autant. Il ne
l’exprime pas de la même manière, c’est tout. J’ai deux frères très différents,
mais nous sommes tous soudés. Je tiens beaucoup à la tendresse d’Olivier et au
dynamisme de Sébastien. C’est bien ce qui l’a amené ici, aidé par l’amour de
Iolany. Il est venu bâtir, entreprendre, et il comprend bien ce que je
recherche : j’ai la ferme intention de travailler, de vivre ici le temps
qu’il faudra pour bien apprendre la langue, pour réussir et après préparer une
rentrée en France au top. J’aurai une nouvelle expérience et la maîtrise d’une
autre langue. Au top ! Je sens que mon passage ici m’ouvrira plein de
portes.
Pourtant, ça ne commence pas comme je le pensais. D’abord,
Sébastien trouve qu’il vaut mieux que je reste un temps avec Iolany, chez eux.
Le temps d’apprendre à me débrouiller en espagnol, selon lui. Rester à la
maison alors que lui se lève tous les matins à six heures, part travailler
toute la journée et que je vois bien qu’il est parfois débordé !
D’ailleurs, à bien le regarder, je ne le trouve pas si heureux, finalement.
Avec ses enfants, oui, il est bien. Avec Iolany aussi, je pense, mais sans
certitude. Et puis cela ne me regarde pas, je sais que les couples ont parfois
des problèmes et que c’est à eux de les régler. Il ne m’en dit rien et Iolany
non plus. D’ailleurs, elle ne me dit pas grand-chose. Je sens qu’elle ne
m’apprécie pas beaucoup. J’ai même parfois l’impression qu’elle se méfie de
moi. Je me demande si elle n’est pas un peu jalouse de la complicité qui me lie
à Sébastien, si je ne suis pas arrivée dans sa vie comme une intruse et sans
qu’elle ait véritablement eu le choix. La cohabitation avec elle est donc
difficile, tendue. Je déprime un peu. Je vis mal ma dépendance. Je ne sais même
pas sortir faire les courses, et puis je ne suis pas venue jusqu’au Mexique
pour cette vie-là. Alors, je trouve un moment pour parler à Sébastien et
j’insiste pour aller travailler avec lui. Je préfère mille fois me lever à six
heures du matin, je suis faite pour cela, et d’ailleurs ce sera bien mieux pour
apprendre la langue, parce que ce n’est pas avec Iolany qui me parle
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