À l'ombre des conspirateurs
moi.
Quand je revins à l’auberge, presque toute la côte était dans l’obscurité, et Fausta avait disparu. Malgré l’heure tardive, je trouvai Larius en train de parler poésie avec Ollia, tous deux installés sur un banc dans la cour. Je fus heureux de constater qu’il était passé de Catulle à Ovide – dont je préfère les vues sur l’amour et, ce qui est plus crucial, sur le sexe. Je m’assis près d’eux.
— Alors, tonton, tu viens de jouer au tombeur de dames ?
— Ne dis pas de bêtises. Pas une seule fille de sénateur n’accepterait de faire l’amour sur le sol nu, au milieu d’araignées curieuses, et avec une pomme de pin qui lui rentre dans le dos ! Dis-moi plutôt qui a entraîné Æmilia Fausta loin de la plage ?
— Un capitaine de la garde au grand cœur. Il déteste voir des sœurs de patriciens prises d’ivresse se rouler dans le sable.
J’émis un grognement non compromettant : Petronius Longus avait toujours eu un faible pour les filles en pleurs.
— Il l’a jetée sur son épaule, puis fourrée dans sa chaise, et il accompagne son pathétique équipage jusqu’à Herculanum tandis qu’elle déclame ses vertus ?
— Tu connais bien Petro ! s’esclaffa mon neveu.
— Il ne va même pas demander une récompense. Et Silvia ? Comment a-t-elle pris ça ?
— Elle n’a rien dit, mais son silence était éloquent.
La nuit était superbe. Je décidai d’atteler Néron à la carriole et d’aller récupérer Petro. Larius décida qu’il venait avec moi pour me tenir compagnie. Puis, comme ils étaient tous deux jeunes et illogiques, Ollia vint aussi pour tenir compagnie à Larius.
Quand nous atteignîmes la maison du magistrat, le portier nous confirma que Petronius était bien arrivé avec Æmilia Fausta. La dame ayant du mal à marcher droit dans ses souliers de fête, il avait dû l’accompagner à l’intérieur. Préférant éviter de nouveaux attouchements d’Æmilius Rufus, je choisis de patienter à l’extérieur.
Un bon moment plus tard, Petro se montra surpris de nous trouver là. Comme nous somnolions, il sauta sur le banc et s’empara des rênes.
— Fais gaffe à ce magistrat, gazouillai-je. Son Falernien est bon, mais je ne voudrais pas le rencontrer dans un bain de vapeur. Sa sœur t’a donné du fil à retordre ?
— Non. Suffisait de pas écouter ses : « Les hommes sont dégoûtants ! Pourquoi je n’arrive pas à en attraper un ? »
Je me laissai aller à des commentaires désobligeants sur Fausta, mais Petronius ne voulut rien entendre. Il trouvait cette « pauvre petite chose » plutôt attendrissante.
Larius sommeillait sur l’épaule confortable d’Ollia. Mes pensées s’envolèrent vers une femme autrement intéressante que la sœur idiote du magistrat. M’étant calé dans un coin, bercé par les secousses légères de la carriole, je m’endormis à mon tour dans la douce nuit de Campanie.
Toujours de bonne composition, Petro chantonna pour lui tout seul et nous ramena sains et saufs à l’auberge.
67
Deux jours plus tard, le magistrat tenta de faire arrêter Atius Pertinax. C’était le jour de l’anniversaire de la fille de Petro, et je m’étais rendu à Oplontis avec un petit cadeau pour fêter l’événement. Sans doute vexé que je n’aie pas répondu à ses avances, Æmilius Rufus s’était bien gardé de me faire part de ses intentions.
Rufus avait eu tort de ne pas suivre mes conseils. La façade de la Villa Marcella étant orientée vers la mer, on ne pouvait s’approcher discrètement de la maison qu’en empruntant un sentier de montagne par l’arrière. Quand Vespasien envoya l’ordre d’appréhender Pertinax, Æmilius Rufus se présenta par la voie principale, accompagné d’une troupe de soldats. Évidemment, ils furent repérés de loin.
Marcellus l’accueillit très fraîchement, mais le laissa fouiller les lieux sans soulever d’objections. Étendu à l’ombre, il attendit patiemment que l’autre idiot découvre ce qui était l’évidence même : Pertinax avait pris la fuite.
Helena Justina vint me rejoindre à Oplontis pour me raconter toute l’histoire.
— Gnæus était parti faire un tour à cheval avec Bryon. Celui-ci, apparemment hors du coup, est revenu un peu plus tard avec les chevaux, en annonçant innocemment que le jeune maître avait décidé de faire une petite croisière.
— Il a un bateau ?
— Bryon l’a laissé sur le navire
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