À l'ombre des conspirateurs
médecin qui soigna sa blessure, et nous assura que Petronius n’avait pas perdu beaucoup de sang. Tout ce que nous pouvions faire, à partir de maintenant, c’était l’empêcher de prendre froid et attendre.
Helena consola les enfants, installa Petro avec des couvertures et des coussins, s’occupa du médecin et renvoya les curieux. Elle rassura Larius et Ollia, donna à manger aux chatons des filles, et envoya un message à la Villa Marcella pour prévenir qu’elle restait à Oplontis.
Je fis le tour de l’auberge, à la manière de Petronius chaque soir.
Immobile sur la route, je tendis l’oreille dans l’obscurité, bouillonnant de haine, en me promettant de venger mon ami. J’étais à peu près sûr de connaître le nom du coupable : Atius Pertinax.
J’allai ensuite faire un tour à l’écurie où je donnai du foin à Néron, poignée par poignée. En retournant dans la chambre où gisait Petro, je vis Silvia qui berçait doucement Tadia dans ses bras. Je souris tristement, sans parler pour ne pas réveiller les enfants. Silvia me jugeait responsable de ce qui venait d’arriver et, pour une fois, nous étions d’accord.
J’éteignis toutes les lampes sauf une, puis m’assis près de lui. Ses traits étaient étrangement creusés. Sous les meurtrissures dues à la chute, son visage paraissait tellement dépourvu de couleur et d’expression que j’avais l’impression de voir quelqu’un d’autre. Je le connaissais depuis dix ans. Nous avions logé dans la même caserne en Bretagne, et partagé la même tente lors de marches forcées. De retour à Rome, nous avions vidé ensemble plus de jarres de vin que je ne souhaitais me le rappeler. Nous nous moquions à tour de rôle des femmes avec lesquelles nous sortions, et de toutes nos petites manies. Nous ne nous étions pour ainsi dire jamais disputés, et je le considérais comme un frère. Même plus, si je le comparais à mon vrai frère qui n’avait pas toujours été facile à supporter.
Je finis par le laisser avec ses deux filles aînées endormies contre lui.
Je montai au premier étage, tous mes sens en alerte. Dans la chambre, je retournai son matelas et trouvai son glaive. Je le plaçai près de mon propre lit.
Dans l’autre pièce, Helena parlait avec Ollia et Larius. Passant la tête à la porte pour dire bonne nuit, je croassai pompeusement :
— Tu n’es pas à ta place dans ce décor, mais merci d’être restée. Ç’aurait été le chaos, sans toi. Je ne voudrais quand même pas t’embêter avec nos problèmes…
— Tes problèmes sont mes problèmes, répliqua Helena d’une voix égale.
Je souris bêtement, puis fis un signe de tête à Larius.
— Il est temps d’aller se coucher.
Helena avait persuadé Ollia de se confier à elle, et Larius semblait participer au conciliabule. J’entendis le murmure de leurs voix pendant un long moment.
À la troisième heure de la nuit, étendu sur le dos, les bras croisés sur la poitrine, je fixais des yeux la fenêtre percée dans le mur opposé. J’attendais avec impatience le lever du jour, et l’occasion de me venger. Le plancher craqua. Je m’attendais à voir apparaître Larius, mais c’était Helena.
Nous nous connaissions tellement bien que les paroles étaient inutiles. Je lui tendis la main et me poussai pour lui faire de la place dans cet affreux lit. Elle éteignit sa lampe, et je pinçai la mèche entre mes doigts mouillés de salive pour l’empêcher d’empester.
Je reposais toujours sur le dos, mais cette fois, mes bras entouraient le corps d’Helena. Ses pieds froids se fourrèrent sous l’un des miens pour y trouver un peu de chaleur. Je ne sais plus qui d’elle ou de moi s’est endormi en premier.
Il existe plus d’une raison pour partager un lit. Helena voulait être près de moi, et j’avais vraiment besoin de sa présence.
69
Pendant les trois jours suivants, je parcourus la baie dans une embarcation lente louée à Pompéi. Le capitaine, ennuyeux au possible, ne comprenait pas pourquoi je me montrais si pressé. Nulle trace de l’ Isis Africana. Chaque soir, je rentrais à l’auberge un peu plus fatigué et maussade. Petronius avait repris conscience dès le lendemain soir. Étonnamment calme, il paraissait tout surpris de se retrouver dans cet état. Fort heureusement, la sauvage attaque dont il avait été victime ne lui avait laissé que des séquelles physiques. Comme il fallait s’y attendre, il ne gardait aucun
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