Abdallah le cruel
prix. Il
réorganisa également les services du fisc et ses agents reçurent pour consigne
de redoubler de zèle pour lever impôts et taxes dont le produit n’était pas
envoyé à Kurtuba, mais utilisé sur place. Abdallah n’en avait cure. Il n’avait
plus à payer les fonctionnaires d’Ishbiliyah. Avec le retour du calme dans
cette cité, il put envoyer ses armées pacifier certains territoires contrôlés
par Omar Ibn Hafsun ou par d’autres rebelles, récupérant ainsi un nombre
appréciable de contribuables.
Sous la domination d’Ibrahim Ibn
Hadjdjadj, Ishbiliyah connut de nombreux changements. Le premier, de loin le
plus significatif, fut le départ en masse de ses habitants Chrétiens. Ceux-ci
se méfiaient du nouveau gouverneur qui avait toujours manifesté des sentiments
peu chaleureux à leur égard, les soupçonnant d’entretenir des rapports secrets
avec leurs coreligionnaires du Nord et d’espérer, sans trop y croire, que les
Arabes finiraient par être chassés du pays. Tant que les Banu Khaldun étaient
vivants, les Chrétiens constituaient un groupe de pression non négligeable
qu’il fallait ménager et dont il fallait rechercher, si ce n’est son appui, du
moins sa neutralité. En dernier recours, ils pouvaient encore s’adresser à
l’émir qui ne pouvait ignorer qu’ils constituaient la majorité de la
population. Désormais, ils étaient à la merci d’un seul homme. Les plus
fortunés partirent s’installer à Kurtuba où ils avaient des parents assez aisés
pour les héberger. Les pauvres et les indigents préférèrent gagner les vastes
zones inhabitées situées au-delà de Marida. Elles n’appartenaient, en théorie,
ni à al-Andalous ni au royaume des Asturies et aucun fonctionnaire n’osait s’y
aventurer. Les fugitifs y constituèrent de petites communautés rurales,
défrichant un sol aride et s’adonnant à l’élevage. Si on leur signalait
l’arrivée d’une armée ou d’un groupe de guerriers, ils cherchaient asile dans
les montagnes voisines. Ils furent ainsi des milliers à abandonner la ville et
l’évêque, incapable d’enrayer cet exode, dut faire fermer de nombreuses églises
désertées par leurs fidèles.
Le départ des Chrétiens permit aux
muwalladun de s’imposer comme majoritaires dans la cité. Ils n’oubliaient pas
qu’Ibrahim Ibn Hadjdjadj avait été, avec les Banu Khaldun, à l’origine de
l’émeute sanglante durant laquelle des centaines de leurs parents avaient
trouvé la mort. Ils constatèrent avec surprise que le dignitaire arabe avait
imperceptiblement changé d’attitude envers eux. Dans plusieurs affaires très
litigieuses opposant des muwalladun à des Arabes, il donna raison aux premiers,
se brouillant de la sorte avec certains de ses partisans les plus dévoués. Les
notables muwalladun comprirent qu’il leur adressait un message et vinrent,
porteurs de nombreux présents, le remercier de ses bontés. Le gouverneur
prolongea l’audience bien au-delà de la durée habituelle et eut avec ses
interlocuteurs une franche discussion. Il leur expliqua que les Banu Khaldun
lui avaient reproché d’avoir pour aïeule la petite-fille du roi Witiza. Cela
l’avait amené à réfléchir. Il comprenait maintenant ce que pouvait ressentir un
Musulman accusé d’être un Infidèle sous le prétexte que ses parents ou ses
grands-parents s’étaient convertis à l’Islam.
Certes, lui-même se considérait
comme un Arabe et estimait que cela lui valait certains privilèges auxquels il
n’était pas prêt à renoncer. Toutefois, ses opinions personnelles importaient
peu et ne pouvaient lui dicter son jugement et sa conduite. Il était désormais
wali et se devait d’observer la plus stricte équité entre ses administrés si
ces derniers se montraient loyaux envers lui. Les muwalladun n’avaient donc
rien à craindre de lui. Il demanda aux dignitaires de répéter ses paroles à
leurs coreligionnaires mais se reprit immédiatement : « À nos
coreligionnaires, à nos frères en Allah le Tout-Puissant et le Miséricordieux,
qui appartiennent à la sainte communauté des croyants. » Cette affirmation
lui valut une soudaine popularité chez ses anciens adversaires, prêts à se
sacrifier dorénavant pour lui.
Contrairement aux Chrétiens, les
Juifs avaient décidé de rester à Ishbiliyah. Ils se savaient indispensables car
ils avaient le quasi-monopole du commerce avec l’Ifriqiya et l’Orient. Ibrahim
Ibn Hadjdjadj prit
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