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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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fallait.
    Plus tard, j’appris le conte qu’elle avait offert à mon père. Le sang des femmes m’était venu dans la nuit précédant la bataille contre les Mekkois, avait-elle dit. Ignorant s’il s’agissait d’un bon ou d’un mauvais présage, elle avait préféré garder la nouvelle pour elle et laver discrètement les linges souillés.
    À moi, elle n’adressa pas un mot à ce sujet. Ni cette fois ni plus tard. De l’instant où elle apprit mon mensonge, toute furieuse qu’elle fût, Barrayara le fit sien. Elle mentit à son tour. Ce fut notre secret et la preuve absolue de son amour. Ma mère elle-même en ignora tout.
     
    Et moi, comme la fille de treize ans que j’étais encore, allégée par le soutien de Barrayara et versatile comme on peut l’être à cet âge, je souriais sans plus de contrainte. Peut-être même, qui sait, ai-je rêvé que le Clément et Miséricordieux pourrait me pardonner ?
    Les toits de Yatrib n’étaient pas encore en vue quand une servante me confia en roucoulant la plaisanterie qui circulait parmi les guerriers. L’Envoyé de Dieu, clamaient-ils, était si à l’aise dans la guerre qu’il avait trouvé le moyen de dépecer les corps des mécréants de Mekka tout en soumettant Aïcha, son épouse bien-aimée, à la loi de sa lance !
    Un bizarre orgueil m’emplit. Mon rire éclata. Et, malgré tout, malgré mon mensonge, ma fierté dut se voir.
    Le soir même, après le retour glorieux du Messager dans Yatrib, nous retrouvâmes ma chambre. Mon époux me montra sa hâte de me serrer à nouveau dans ses bras. À mon tour, m’offrant toute à lui, je le fis rire en lui rapportant les propos de ses guerriers.
    Et ce fut ainsi, sous le regard d’Allah, qu’un bonheur parfait nous noua cette nuit-là. Puis une autre nuit, et une autre encore. Deux, trois, quatre nuits. J’en tremblai un peu au matin, mais la colère d’Allah ne me punissait toujours pas. Au crépuscule, je frémissais bien plus d’impatience que de crainte. Les caresses de mon époux dansaient dans mon imagination avant que ses lèvres ne se posent sur ma chair.
    J’en oubliais la vérité.
    Ou j’en repoussais la pensée dès qu’elle me venait.
    Me serais-je aveuglée jusqu’à ce qu’Allah lance Sa foudre sur moi ?
    Ou, dans Sa clémence et Sa miséricorde sans limites, a-t-Il voulu m’envoyer un signe de Sa colère avant que le châtiment ne tombe sur ma nuque ?
    Fatima vint si orgueilleusement offrir son fils Hassan à mon époux qu’elle enflamma la jalousie de mon père. Il me réclama le fruit de mon ventre :
    — Le Messager veut tenir la descendance de sa chair entre ses paumes… Moi, Abu Bakr, je veux avoir mon petit-fils, fils de l’Envoyé de Dieu, sur ma selle quand nous entrerons dans la sainte Ka’bâ !
    Un fils, un petit-fils ! Moi dont le ventre ne se gonflait que du mensonge !
    Honte sur moi. Mille fois honte !
    Après ceux, si brefs et illusoires, du bonheur, vinrent les jours funestes.
    Ils s’abattirent sur mon époux et sur nous tous, les Croyants de Yatrib. Et jamais, pas même aujourd’hui, je ne sus si ma faute pesa dans la volonté d’Allah de nous les infliger.

Les hypocrites

1.
    Dans la nuit qui suivit ce jour où Hassan ibn Ali ibn Abi Talib reçut son nom, les caresses et l’amour du Messager, pour la première fois, ne m’emportèrent ni vers le bonheur ni vers le sommeil. Tandis que Muhammad s’endormait d’un souffle paisible, moi, je ne pouvais fermer les paupières. Je revoyais le petit Hassan dans les paumes de mon époux, le visage hautain de Fatima qui, pas une fois, n’avait tourné les yeux vers moi. J’entendais la menace de mon père, annonçant des combats nouveaux, des épouses nouvelles pour le Messager. Mon père grésillait d’impatience. Se montrait-il si fébrile parce que mon époux l’était aussi ? Depuis longtemps, Muhammad le Messager savait se faire comprendre à demi-mot par Abu Bakr, son compagnon de toujours.
    Mon corps serait devenu de pierre si, tout contre moi, le corps tant aimé de mon époux ne m’avait pas transmis sa chaleur radieuse. Cette nuit-là enfin la lucidité me vint.
    Ma vie ne devait être pareille à aucune autre. Le lourd devoir qu’Allah faisait peser sur les épaules de Muhammad, Il le faisait aussi peser sur les miennes. Jusqu’au jour béni où Il déciderait de me retirer de ce monde pour le grand jugement.
    Bien sûr, le poids qu’Allah déposait sur moi était sans

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