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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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rouleau d’écriture dans sa paume. Mon époux le déroula, y jeta un bref coup d’oeil. Je ne distinguais qu’à peine son visage. Il semblait calme. Brusquement, il tendit le rouleau d’écriture à Zayd, qui se mit aussitôt à le lire. Ses lèvres bougeaient, mais sa voix ne me parvenait pas.
    Les Ansars de nouveau se mirent à hurler. D’un geste brutal Muhammad arracha le rouleau des mains de Zayd, le déchira et en jeta les débris dans la poussière. Sa colère ramena le silence dans la cour. Il s’éloigna vivement en direction de la petite mosquée. Tous le suivirent.
    Sauf le cousin Talha, qui ramassa les morceaux déchirés du rouleau et s’avança vers la cuisine. Il s’arrêta à la distance réglementaire et héla une servante. Elle vint prendre ce qu’il lui tendait et courut le jeter dans les fourneaux. Talha se dirigea à son tour vers la masdjid. Au passage il se tourna vers moi pour me saluer. Il avait l’air plus triste qu’irrité.
    Avec autant de soulagement que d’inquiétude, je songeai à l’aveu que je n’avais pas pu faire à mon époux.
    Allah ne voulait-il pas que je lui parle ? Éprouvait-Il ma volonté et mon courage devant la vérité ?
    Barrayara fut à mes côtés. Elle avait eu le temps de juger ma mine défaite. Elle savait reconnaître l’effet d’une nuit de bonheur et celui d’une nuit de tourment. Sans doute avait-elle deviné mes pensées. Elle se contenta de grommeler :
    — Crois-tu que c’est ton devoir d’épouse de te montrer avec une tête pareille ?

2.
    Nous, les femmes, nous n’apprîmes que plus tard la cause de la fureur du Messager et de ses compagnons.
    La veille, trois heures avant la nuit, une poétesse du nom d’Açma bint Marwân était allée devant les maisons des Ansars, ainsi que désormais on appelait les Aws et les Khazraj devenus soumis d’Allah. Là, elle avait hurlé des insultes contre l’Envoyé de Dieu pour les provoquer. Ses mots étaient terribles. Elle blasphémait et appelait au meurtre :
    — Enculés de Aws, enculés de Khazraj, hurlait-elle,
    Vous obéissez à un rien étranger.
    Il n’est ni de Morâd ni de Madhhij.
    Vos ancêtres l’ignorent !
    Il est venu pour nous diviser,
    Il va ici et là en clamant : c’est permis ! c’est défendu !
    Et vous courez vous mettre la tête dans la poussière comme des poulets,
    Enculés qui avez perdu vos vrais chefs
    Vous le suivez comme des sans-dents tremblants
    Avides du bouillon de vieilles viandes !
    Alors ? Pas un parmi vous, pas un brave
    Qui saura couper court au charabia de ce faux nâbi ?
     
    Ces braillements n’étaient pas restés sans effet. Certains, parmi les Aws et les Khazraj, refusaient depuis toujours de se soumettre aux lois du Clément et Miséricordieux. En cachette ils se prosternaient encore devant Manât et autres idoles païennes. Les injures d’Açma bint Marwân les ravirent. Ils montèrent sur les hauts murs de deux ou trois maisons pour l’applaudir. Enhardis de se découvrir une centaine, ils quittèrent leurs cours pour rejoindre la folle hurlante. Ils formèrent une véritable troupe qui la suivit par les chemins de l’oasis jusqu’à la nuit en vociférant contre l’Envoyé de Dieu.
    Tout ce scandale était peut-être prémédité. Avant que le soleil ne se couche, d’un bout à l’autre de Yatrib des rouleaux d’écriture couverts des insultes d’Açma bint Marwân passaient déjà de main en main.
    C’était l’un de ces rouleaux que Muhammad avait déchiré avec colère. Le chef des Nabit, un clan des Aws très soumis à Allah, avait subi les insultes d’Açma bint Marwân autant que le Messager. Il était sorti en armes de chez lui pour mettre en fuite les blasphémateurs, mais n’avait pas osé les poursuivre : la loi de Yatrib ne censurait pas la parole des poètes. Toutefois, craignant que la fureur d’Allah ne s’abatte sur lui et les siens, il s’était empressé d’apporter à mon père l’un de ces rouleaux de honte. Le Messager était seul juge de l’importance de l’affront.
     
    Cette attaque contre Muhammad et nous, les Croyants d’Allah, n’était pas une surprise. Cette folle d’Açma bint Marwân ne nous était pas inconnue. Depuis plus d’une année elle se déchaînait contre nous et semait ses vociférations dans Yatrib. Elle ne manquait jamais de cracher sur l’Envoyé de Dieu. « Un usurpateur, un faux prophète !» hurlait-elle jusque devant la synagogue, elle qui adulait une

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