Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
tout. Le sang me bat dans les tempes et mon coeur bat à se rompre.
    Zama’a, ma fille, écris bien…
     
    Muhammad descendit de sa mule blanche. Il réclama un chameau de bât et ordonna qu’on lui recouvre la tête d’un turban noir. Il dit à Ali :
    — Tiens-toi derrière moi. Quand nous serons devant la porte de la Ka’bâ, je ne bougerai plus. Toi, tu entreras avec cent guerriers. Vous briserez les idoles. Plus une debout ! J’attendrai.
    À nous, ses épouses, Omm ‘Habîba et moi, Aïcha, il ordonna :
    — Mères des Croyants, venez dans mon sillage !
    Il grimpa sur son chameau, le fît lever, et nous nous mîmes en marche.
    Le silence s’abattit sur les dix mille combattants. Puis, quand la tête enturbannée du chameau de l’Envoyé passa la porte de Mekka, tous crièrent d’une seule voix :
    — Dieu est grand !
    Mekka : un désert. Mais du haut de chaque mur des yeux nous épiaient, derrière chaque porte des oreilles nous guettaient. La peur rôdait dans les rues vides.
    Mon époux avançait sans hésiter. Comment aurait-il oublié le chemin ?
    Moi aussi, je reconnaissais les ruelles qui menaient à l’esplanade de la Ka’bâ. Rien n’avait changé depuis mes sept ans, quand mon père Abu Bakr m’y conduisait.
    Mon époux immobilisa son chameau. Je remarquai qu’aucune mouche n’osait voler dans son ombre.
     
    Ali donna l’ordre à ses cavaliers d’entrer dans la Ka’bâ. Ils brisèrent, fracassèrent, ravagèrent les idoles.
    Dehors, les dix mille guerriers d’Allah crièrent leur joie vers le ciel.
    La terre trembla sous nos montures.
    Omm ‘Habîba pleurait, effrayée.
    Ali fit porter les débris de l’idole de pierre d’Hobal sur le seuil de la Ka’bâ.
    — Ô, nâbi de Dieu ! lança-t-il. Voici de quoi soutenir ton pied de purificateur.
    Alors notre époux fit agenouiller son chameau et marcha jusqu’à la source Zamzam. Il s’accroupit et but. Puis il s’aspergea la poitrine avant de tourner vingt fois autour de la Pierre Noire.
    Dehors et partout, le silence.
    Au-dessus de la Ka’bâ, les ailes des anges de Dieu battaient et bruissaient.
     
    Zama’a, ma fille, quand notre époux revint sur le seuil de la Ka’bâ et posa ses deux pieds sur la pierre brisée d’Hobal, la foule des habitants de Mekka se tenait autour de nous, les épouses.
    Muhammad glissa sa main droite dans l’anneau de la porte et parla sans élever la voix :
    — Louange à Allah ! Il a fait triompher Son serviteur et lui a permis d’accomplir sa promesse !
    Il se tut et scruta longtemps les visages devant lui. La peur et l’espoir figeaient chacun.
    — Dieu vous pardonnera, déclara-t-il enfin. Le jour n’est pas aux reproches. La miséricorde n’est pas un vain mot pour Allah. Il le préfère à celui de massacre.
    Partout sur la place, des sanglots de bonheur s’élevèrent.
    Notre époux referma la porte de la Ka’bâ derrière lui. Il remonta sur son chameau au turban noir. Ses yeux disaient :
    — Venez, mes épouses. Allah vous aime. La paix de nos tentes sera douce.

5.
    Zama’a, ma fille, sois plus vaillante que moi.
    Je te murmure les mots. Devine les phrases.
    Dieu me prend la moitié de mon souffle.
    Je sais pourquoi.
    Laisse-moi un jour de plus, ô Seigneur des mondes !
    Laisse-moi un jour afin que je vive dans la nuit de mes yeux ce qu’il me reste à raconter !
    Un seul jour, pour que je voie mon époux vivant dans ma nuit !
     
    Zama’a, ma fille, si je te parais sèche, presque comme un cadavre tiré du sable, mon coeur, lui, est gonflé de vie. Si tu le voyais !
    Amour de mon époux. Amour de Muhammad.
    Que Dieu me pardonne : mon amour pour Lui est depuis toujours dans l’amour que je porte à mon époux. L’un contient l’autre, et non l’inverse.
    Muhammad l’a toujours su. Il me disait :
    — Aïcha, mon miel ! J’ai grandi avec toi, que j’ai prise dans mes bras alors que tu étais plus légère que tes poupées.
    Il me le répéta avant de mourir.
     
    Zama’a, ma fille, voici les mots. Forme les phrases. Écris.
    L’Envoyé resta quatorze jours à Mekka. Le temps d’accueillir les nouvelles conversions. Toute la ville vint courber la nuque devant lui. Hind, la mangeuse de foie humain, l’épouse d’Abu Sofyan, se présenta.
    — Ton époux s’est converti et a demandé ta grâce, dit Muhammad. Moi, je ne te l’aurais pas accordée, mais Allah le fait. Je Lui obéis. Omar écoutera ton serment.
    — Non ! protesta

Weitere Kostenlose Bücher