Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
jour et pénétrèrent dans la grande rade occidentale, o˘ ils atten dirent que le temps s'améliore.
Memnon ordonna qu'on
effectue les réparations nécessaires et envoya ses officiers recruter des mercenaires. Puis il visita l'île, qui était enchan tereSse~ et voulut qu'on lui montr‚t la demeure de la poé tesse Sapho et celle du poète Alcée, tous deux natifs de Lesbos.
Devant la maison qu'on disait avoir appartenu à Sapho, des écrivains ambulants recopiaient des poèmes sur des tablettes de bois ou sur des rouleaux de papyrus, plus co˚teux, pour qui le désirait.
" Saurais-tu m'en écrire un en perse? demanda-t-il à un homme à l'aspect oriental.
--Bien s˚r, puissant seigneur.
--Alors, écris celui qui commence ainsi:
L~ ~ ~
ALEXANDRE LE GRAND | ~LE~ABLES D AMMON 5
Celui-là me paraît être l'égal des dieux, l'homme assis en face de toi, tout près, écouta ta voix si douce
coeur dans ma poitrine'.
--Je le connais, seigneur, dit l'écrivain public en plongeant sa plume dans l'encrier. C'est un chant de jalousie.
-- Oui >., acquiesça Memnon sur un ton apparemment Il s'assit sur un muret, o˘ il attendit que l'homme achève sa Il avait appris que Barsine était tombée dans les griffes dAlexandre, ce qui, de temps à autre, le remplissait d'effroi.
Après avoir quitté Halicarnasse, Alexandre longea la côte ~ vers l'ouest, à la tête de son armée, en dépit des tentatives de son entourage pour l'en dissuader. Il y avait, en effet, un pas- a
sage en Lycie qu'on jugeait impraticable par mauvais temps: un sentier suspendu entre la falaise et la mer ponctuée d'écueils, exposé au vent d'ouest porteur d'orages En se brisant sur les rochers, les vagues éclataient en globes d'écume, bouillonnaient rageusement avant de refluer pour prendre leur élan et se jeter à nouveau contre le promontoire desole, battu par les rafales de vent. 3
Héphestion, qui avait poussé jusque-là, avait été impres- ~ sionne. "
C'est terrifiant, raconta-t-il à Alexandre. Imagine une q montagne plus haute que le mont Athos et plus vaste que le mont Pangée, qui tombe à pic dans la mer, une montagne aussi lisse et noire que du fer poli; les éclairs jaillissent au dessus du sommet et s'abattent parfois sur les flots~dans une lumière aveuglante. Le sentier est un vieux passage que les I SAPHO, Poèmes, livre I, 2, trad. T. Reinach, Paris, Les Belles Lettres, i~
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L~lciens ont creusé dans le rocher, mais les lames qui s'y bllisent et les algues qui s'y reproduisent au cours de la mau ~aise saison le rendent glissant. Il est impossible de s'en tirer si l'on tombe à l'eau: les vagues vous écrasent sur les récifs coupants qui forment une couronne autour de ce roc escarpé.
--As-tu pu passer ? demanda Alexandre.
--Oui.
--Etcomment?
--Avec l'aide des Agrianes. Ils ont planté des pieux dans les fissures de la roche et y ont attaché des cordes auxquelles nous pouvions nous accrocher lorsque les vagues fondaient sur
--Cela me semble une excellente idée, dit le roi. Nous pas serons, nous aussi.
--Mais nous étions cinquante, objecta Héphestion. Ton armée comporte vingt-cinq mille hommes et cinq mille che vaux. Comment feras-tu passer les chevaux ? "
Alexandre observa un moment de silence pour rassembler ses pensées, puis il dit: " Nous n'avons pas le choix. Il nous faut emprunter ce sentier et nous emparer des ports de la Lycie. Ainsi, la flotte perse n'aura plus accès à notre mer. Si cela est nécessaire, je laisserai la cavalerie, mais j irai de l'avant.
--Comme tu le veux. Nous, nous n avons peur de rien. Mais j'ai quand même voulu que tu connaisses les risques qui nous attendent. "
Ils partirent le lendemain. Bientôt, ils atteignirent la ville de Xanthos, qui se dressait sur un rocher dominant le fleuve Xanthe Tout autour, on pouvait admirer des dizaines de tombes monumentales en forme de palais ou de temples à colonnes, creusées dans la roche. L'une d'elles, disait-on, ren fermait le corps du héros lycien Sarpédon, tombé sous les coups de Patrocle pendant la guerre de Troie.
Alexandre voulut qu'on lui la montr‚t. Il se recueillit devant ce vénérable tombeau, usé par le temps et par les intempéries, sur lequel on distinguait à peine les signes d'une ancienne ins cription~ totalement illisible. Callisthène, qui se tenait à ses côtés~ l'entendit murmurer les vers d'Homère, l'exhortation que le héros lycien aurait adressée à Glaucos avant son der nier
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