Alexandre le Grand "le fils du songe 1"

dit Alexandre.
    --Sire, commença l'informateur, j'ai toujours été espion. quand j'étais petit, je gagnais ma vie en filant les femmes infi dèles pour le compte des maris trompés. C'est tout ce que je sais faire. Et j'ai toujours cherché
    les faveurs de ceux qui me payaient le mieux. Mais...
    --Mais ? insista Eumène qui s'était adjugé le rôle de l'in quisiteur.
    --Mais quand je suis entré au service de ton père, le roi Philippe, je n'ai plus espionné que pour son compte, je le3uT~ìs-tu pourquoi, mon seigneur ? Parce que ton père était un mme extraordinaire. Oh, bien s˚r, il me payait bien ! Mais il s'agissait pas seulement de ça. quand je le rencontrais pour i faire mon rapport, il m'invitait à m'asseoir comme un vieil mi, il me versait lui-même à boire, il me demandait comment me portais, et ainsi de suite, tu comprends ? ~
    --que veux-tu dire ? Me suisje mal comporté à ton égard ? i demanda Alexandre. Ne t'ai-je pas traité, moi aussi, omme un vieil ami, plutôt que comme un espion soudoyé ? -- C'est vrai, admit Eumolpos, et c'est pourquoi je t'ai été dèle. Mais je l'aurais été de toute façon, ne serait-ce parce
    ~e tu es le fils de ton père.
    --Alors, pourquoi m'as-tu trahi ? On ne trahit pas un vieil ami sans raison !
    --La peur, mon seigneur. Le satrape qui s'apprête à te jurer ~délité au mépris de la parole qu'il a donnée à son roi m'a épouvanté en dévorant une grive devant moi d'un air de dire: "Voici la fin qui t'attend: tu seras dévoré morceau par mor ceau, comme cette grive." Après quoi il m'a amené à
    sa fenêtre pour voir ce qui se passait dans la cour.
    t " Il y avait là mon courrier, le brave garçon que je t envoyais
    ~égulièrement: on l'avait écorché vif, on l'avait émasculé et on avait mis ses couilles autour de son cou. " Sa voix tremblait, et ses yeux aqueux de vieux poisson s'étaient remplis de véri tables larmes. " On avait arraché
    sa chair jusqu'à l'os... Et ce n'est pas fini. Non loin de là, un barbare s'employait à
    épointer un pal d'acacia et à le polir contre une pierre ponce. Il le préparait à mon intention, pour le cas o˘ je n'obéirais pas aux ordres du satrape. As-tu jamais vu empaler un homme, mon seigneur ? Moi, si. On lui enfonce un pal dans le corps, mais sans le tuer. Ainsi, il subit toute la souffrance du monde pendant des heures, parfois même pendant des jours. Je t'ai trahi parce que j'avais peur, parce que personne n'a jamais exigé de moi un tel courage.
    " Et maintenant, tue-moi, je le mérite, mais que ce Sqit une mort rapide, je t'en prie. Je sais que tu as perdu beaucoup d~hommes et que tu as d˚
    livrer une terrible bataille, mais je sentais que tu gagnerais, je le sentais. quoi qu'il en soit, quel plaisir aurais-tu à torturer un pauvre vieillard qui ne t'aurait
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    jamais rien fait si cela avait seulement dépendu de lui, et qui en te trahissant, a souffert beaucoup plus que tu ne peux l'ima giner, mon gar-,con ? "
    Il en resta là, se contentant de renifler bruyamment.
    Alexandre et ses compagnons se dévisagèrent un moment Ils comprirent qu'aucun d'entre eux n'aurait le courage de prononcer la condamnation d'Eumolpos de Soles.
    " Je devrais te faire tuer, dit le roi, mais tu as raison: quelle satisfaction-tireraisje de ta mort? En outre... " Eumolpos leva le menton.
    " En outre, je sais que le courage est une vertu que les dieux offrent à de rares élus. Ils ne te l'ont pas donnée mais ils t'ont dispensé d'autres dons: la ruse, l'intelligence et peut-être la fidélité.
    -
    --Entends-tu dire par là que je ne mourrai pas ? interrogea Eumolpos.

    --Non, tu ne mourras pas. 7
    --Non ? répéta l'informateur d'une voix incrédule
    --Non, dit Alexandre dont les lèvres s'étirèrent malgré lui en un léger sourire.
    --Et pourraije encore travailler pour toi ?
    --qu'en dites-vous ? demanda le roi à ses compagnons.
    --Pourquoi pas ? approuva Séleucos. En fin de compte, il a toujours été
    un excellent espion. Et puis, désormais nous sommes les vainqueurs.
    ~
    --Alors, nous sommes d'accord, décida le roi. Mais t~h~as devoir changer ton maudit mot de passe, puisque tu l'as ré~élé à I ennemi.
    --Oh, bien s˚r, dit Eumolpos visiblement soulagé.
    --De quoi s'agissait-il? questionna Séleucos d'un air intrigué.
    --"Cervelle de mouton", répondit Alexandre impassible.
    --Je l'aurais remplacé de toute façon, observa Séleucos. Je n'en ai jamais entendu de plus