Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
roche de Persépolis.
--Je t'en remercie, répliqua-t-elle.
--J'ai également juré de capturer son assassin, le satrape Bessos, qui s'est enfui vers la Bactriane, et de lui infliger la punition que la loi perse réserve aux traîtres et aux régicides "
D'un mouvement léger et gracieux, Stateira baissa la tête en signe d'approbation, mais elle ne dit rien. C'est alors qu'une servante entra avec un plateau sur lequel reposaient deux coupes remplies de neige, o˘
l'on avait versé du jus de gre nades tout juste pressées, d'une belle couleur rose vif. La prin cesse tendit une coupe à son hôte. Elle s'abstint de boire, pour sa part, respectant les rigoureuses règles du deuil, et contem pla son interlocuteur. Ainsi, ce garçon aux traits parfaits, si simple et si courtois, était l'invincible conquérant, l'impla cable exterminateur qui avait balayé les armées les plus puis santes de la terre, le démon qui avait br˚lé le palais de Persépolis et abandonné la ville aux pilleurs ! semblait-elle se dire. Pourtant, il lui apparaissait en cet instant comme un gen til garçon, qui avait fait preuve de respect envers les prison nières perses, de dignité envers ses adversaires, et qui s'était gagné l'affection de la reine mère.
" Comment ma grand-mère se porte-t-elle ? ", l'interrogea t-elle d'un air naÔf, se corrigeant aussitôt: " Je veux dire, la Grande Mère royale.
--Assez bien. C'est une femme noble et forte qui supporte avec grande dignité les coups du hasard. Et toi, princesse~ comment vas-tu ?
--Assez bien, mon seigneur, étant donné les circon tances. "
Alexandre lui effleura la main d'une caresse. " Tu es belle~ Stateira.
Belle et aimable. Ton père devait être fier de toi. "
Les yeux de la jeune fille se remplirent de larmes. " Il l'~tait
~on pauvre père..., il aurait eu cinquante ans aujourd'hui. ~ais je te remercie de ces mots gentils.
--Ils sont sincères ", répliqua Alexandre.
Stateira baissa la tête. " Ils sonnent étrangement dans la ouche du jeune homme qui a refusé ma main.
--Je ne te connaissais pas.
--Cela aurait-il changé quelque chose ?
--Peut-être. Un regard peut changer le destin d'un omme.
--Ou d'une femme, répondit-elle en fixant sur lui ses yeux ~isants.
Pourquoi es-tu venu? Pourquoi as-tu quitté ton ays ? N'est-il pas beau ?
--Oh, si, répondit Alexandre. Si, très beau. On y trouve des nontagnes enneigées qui rougissent à la lumière du couchant ~t se parent d'argent à
la lueur de la lune; des lacs aussi purs ~t transparents que les yeux d'une jeune fille; des prairies fleu ies et des bois de sapins bleus.
--N'as-tu pas une mère, une soeur? Ne penses-tu pas à elles ?
--Tous les soirs. Et quand le vent se met à souffler vers l'ouest, je lui confie les mots qui jaillissent de mon coeur afin qu'il les emporte à
Pella, au palais o˘ je suis né, et à Boutrotos, o˘ vit ma soeur, comme une hirondelle dans un nid de pierre surplombant la mer.
--~lais alors, pourquoi ? "
~ Alexandre hésita un moment, comme s'il craignait de dévoiler son ‚me à
cette jeune inconnue. Son regard erra s~
les montagnes couvertes de bois et de prairies verdoyantesj qui se dressaient au-delà des murailles. Des voix d'hommes en train de négocier leurs marchandises, des voix de femmes qui filaient la laine en bavardant, parvenaient jusqu'à lui. Et l'on pouvait entendre le cri désagréable des grands chameaux de Bactriane, qui se déplaçaient patiemment en de longues caravanes.
" Il est difficile de te répondre, dit-il soudain. J'ai toujours rêvé de franchir l'horizon que mon regard pouvait embrasser, d'atteindre les confins extrêmes du monde, les flots de I'Océan...
--Et puis ? que feras-tu lorsque tu auras conquis le rnonde 818 ALEXANDREL~C~ND !L~ N~ Mll~nF Rl~
entier ? -Seras-tu alors plus heureux ? Auras-tu obtenu Ge que tu désires vraiment? Ne seras-tu pas plutôt envahi par une angoisse encore plus forte et plus profonde, cette fois irré pressible ?,
--Peut-être, mais je ne pourrai pas le savoir tant que je n'aurai pas atteint les limites que les dieux ont posées à l'être humain. "
Stateira le contempla en silence. Un instant, elle eut la sen sation d'entrevoir dans les yeux du jeune homme un monde mystérieux, un désert habité de fantômes et de démons. Elle fut prise d'un léger vertige, qui se mêla à une attirance invin cible, et elle ferma les yeux. Alexandre l'embrassa. Ses che veux caressèrent le visage et le cou de la
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