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Alexandre le Grand "le fils du songe 1"

Alexandre le Grand "le fils du songe 1"

Titel: Alexandre le Grand "le fils du songe 1" Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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comme si I'on gravissait une échelle: un échelon après l'autre.
    94 ALEXANDRE LE GRAND LE FILS DU SONGE
    --Bien s˚r ", confirma Alexandre.
    Mais l'expression de son visage trahissait une inquiétude qui contrastait avec ses mots, comme si son désir de connaître le monde ne pouvait se concilier avec la patiente discipline que son maître lui proposait.
    Longtemps, Lysippe se contenta de quelques apparitions pendant les leçons. Tandis qu'Aristote parlait, ou mettait en pratique ses expériences, il dessinait le visage d'Alexandre, aussi bien sur des feuilles de papyrus que sur des planches blanchies au gypse ou à la céruse. Un jour, il s'approcha du jeune homme et lui dit: " Je suis prêt. "
    Dès lors, Alexandre dut se prêter, chaque jour, à une séance de pose d'une heure dans l'atelier de Lysippe. L'artiste avait placé un bloc d'argile sur un socle et modelait un portrait. Ses doigts glissaient fébrilement sur l'argile humide en cherchant les formes qui traversaient son esprit, des formes reconnues un instant sur le visage du modèle, ou suggérées par la lumière soudaine de son regard.
    Puis la main effaçait brusquement ce qu'elle avait façonné, ramenait la matière à un état informe pour se;remettre aussi tôt après, avec entrain et entêtement, à reproduire une expres sion, une émotion, l'éclair d'une intuition.
    Aristote le contemplait avec fascination, il suivait ses doigts qui dansaient sur l'argile, la sensibilité mystérieuse de ces énormes mains de forgeron qui créaient, instant après instant l'imitation presque parfaite de la vie.
    " Ce n'est pas lui, pensait parfois le philosophe. Ce n'est pas Alexandre... Lysippe est en train de modeler le jeune dieu qu'il imagine devant lui, un dieu qui possède les yeux, les lèvres, le nez et les cheveux d'Alexandre, mais qui est différent, qui est plus, et qui est moins en même temps. "
    Le scientifique observait l'artiste, en examinait le regard attentif et fébrile, miroir magique absorbant la vérité et la reflétant à sa manière, transformée,~ recréée d'abord I3ar son eSprlt, pUlS par ses mains.
    Le modèle en argile fut achevé après seulement trois séances de pose, au cours desquelles Lysippe avait refaçonné mille fois les traits du jeune homme. Puis il passa au modèle en cire, qui céderait sa forme éphémère à
    l'éternité du bronze.
    La lumière du soleil, qui tombait peu à peu sur les dômes du mont Berrnion, diffusait une clarté dorée dans la chambre quand l'artiste fit tourner le socle mobile sur lequel reposait le portrait d'Alexandre.

    Le jeune homme fut frappé par la vue de sa propre effigie, prodigieusement imitée par les tons diaphanes de la cire; il sentit une vague d'émotion l'envahir. Aristote s'approcha éga lement de l'oeuvre.
    Il y avait beaucoup plus qu'un portrait dans ces formes à la fois superbes et exténuées, dans cette chevelure frémissante qui bordait et assaillait presque ce visage à la beauté surhu maine, dans ce front majestueux et serein, ces yeux emplis d'une mystérieuse mélancolie, cette bouche sensuelle et impé rieuse, dans le contour sinueux de ces lèvres.
    Un grand silence, une grande paix, régnait alors dans la pièce, inondée de la lumière liquide et douce du soir. Dans l'esprit d'Alexandre résonnaient les paroles de son maître, qui expliquait comment la forme façonne la matière, comment l'intellect règle le chaos, et comment l'‚me imprime sa propre marque à la chair périssable et éphémère.
    Il se tourna vers Aristote, qui contemplait de ses petits yeux gris d'épervier ce miracle échappant aux catégories de son génie, et il lui demanda: " qu'en penses-tu ? "
    Le philosophe sursauta avant de se-tourner vers-l'artiste, qui s'était écroulé sur son siège, comme si sa formidable énergie s'était soudain éteinte.
    " Si Dieu existe, dit-il, il a les mains de Lysippe. "
    15
    Lysippe demeura tout le printemps à Miéza, et Alexandre se lia également d'amitié avec ses assistants, qui lui racontaient de merveilleuses histoires concernant l'art et le caractère de leur maître.
    Le jeune homme posa encore pour lui, en pied et même à cheval; mais un jour, pénétrant par hasard dans l'atelier rnomentanément déserté par Lysippe, il remarqua parmi les dessins entassés en désordre sur la table un portrait extraor dinaire d'Aristote.
    " Il te plaît ? demanda alors la voix du sculpteur, soudain surgi dans son dos.
    --Pardonne-moi, dit Alexandre en

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