Alias Caracalla

écoulée par Cheveigné, comme auparavant par Brault.
Comment échapperait-il au désastre ?

    L’obligation d’un contact permanent est plus pressante encore depuis le départ du patron : est-il possible de remplacer mes rendez-vous quotidiens avec
lui par une liaison radio ? J’en doute.

    Durant le déjeuner, ce sont ces différentes possibilités que j’examine avec Cheveigné. Nous avons
décidé de mettre en route les huit blind schedules que nous avons reçus. Cette solution permet d’écouter Londres dans une totale sécurité. Je suis donc
quasiment assuré de recevoir les ordres de * Rex.

    Le problème est que je dois aussi lui répondre et
l’informer du fonctionnement des services : là résident mes craintes. Nous décidons avec Cheveigné
que je l’aiderai dans ses émissions en cas d’urgence,
oubliant que ces « cas » ne sont pas l’exception, mais
la règle depuis des mois. Débrouillard, intelligent et
virtuose du morse, il est mon seul espoir. De l’avis
de tous, c’est, avec Brault, le meilleur des radios
envoyés par le BCRA. Depuis l’arrestation de ce
dernier — dont j’ai quelquefois des nouvelles par
Schmidt : tentatives d’évasion qui, jusqu’à présent,
ont échoué —, il assure seul la liaison avec Londres.

    Grâce au réseau de postes qu’il a installé à la
campagne, il jouit d’une relative sécurité, mais avec
cependant un inconvénient : la nécessité d’unenavette quotidienne avec lui, afin d’apporter les
télégrammes à expédier et de récupérer ceux qu’il a
reçus.

    Heureusement, * Germain a embauché un nouveau
courrier, Georges Archimbaud, que j’affecte à cette
tâche. De mon côté, avec mon poste de la rue des
Augustins, je transmettrai à * Rex les télégrammes
les plus urgents.

    Lundi 15 février 1943

     

    Déjeuner avec Fassin

    *Rex a désigné Raymond Fassin chef des agents
du BCRA. À ce titre, il doit vérifier la qualité de
notre travail, dont les transmissions. Fassin est un
camarade de la France libre, même s’il est le plus
vieux d’entre nous, et nous n’avons jamais eu le
moindre problème avec lui. Il était aviateur, et je ne
l’ai connu que quelques jours dans une école de formation de saboteurs.

    Quand il arrive, il est remonté contre les mouvements. En fait, ce pluriel désigne le seul Combat,
dont il est aussi l’officier de liaison. Depuis ma prise
de fonction, il n’a pas de mots assez durs pour
condamner son désordre et son inaction.

    L’euphorie manifestée hier sur son visage ne
concernait pas seulement la réussite de l’opération
de * Rex. Fassin avait également organisé un sabotage. « Tu te souviens des voitures radio-gonio
que Londres nous a signalées par télégramme à
Charbonnières ? Elles ont sauté à l’heure où * Rex
quittait la France. »

    L’incrédulité se lit sans doute sur mon visage, tant
les mouvements annoncent parfois des opérations
mirifiques qui, renseignements pris, s’avèrent des
vantardises. Il ajoute : « C’est nous qui l’avons fait. »

    Il me raconte, ravi, que depuis l’arrivée des voitures radio-gonio, il a réclamé aux mouvements de les
détruire afin de protéger nos transmissions. Combat a d’abord répondu que c’était « quasi impossible », puis « d’intérêt secondaire », enfin qu’« on
verrait ». Après ces refus, Fassin a demandé au
saboteur récemment envoyé à Franc-Tireur de s’en
occuper.

    Résultat : après enquête révélant la configuration
des lieux, deux voitures radio-gonio stationnant
devant l’hôtel Terminus , le siège de la Gestapo à Lyon,
ont été détruites samedi 13, à 7 heures et demie du
soir. Fassin ajoute, joyeux : « Ce n’est qu’un début ! »
Lui, au moins, je lui fais confiance.

    Fort de ce résultat, il aborde la question des groupes francs des mouvements et m’explique qu’ils
doivent être réorganisés : « Je devrais même dire
“organisés”. » Il a réclamé au BCRA des instructions à
leur sujet. Mais, n’ayant jamais obtenu de réponse,
il a suggéré à * Rex de faire désigner un responsable
par le nouveau Comité directeur des MUR. Celui-ci
recevrait ainsi de Londres des instructions précises.
Fassin espère un résultat rapide afin d’exécuter
davantage de sabotages des nombreuses voitures
gonio en circulation.

    Il enchaîne pour se plaindre, comme * Rex lui-même, des transmissions. Lors de la dernière lune,
il a reçu, avec