Alias Caracalla

demande où il doit faire
déposer le matériel radio arrivé par la même opération — trois postes, des lampes de rechange, etc. —
et me propose de déjeuner avec lui demain afin
d’examiner la question des liaisons radio, primordiale selon lui pour préparer les prochaines opérations aériennes. Je m’abstiens de lui demander pour
qui elles ne sont pas primordiales.

    Il tire de sa poche une enveloppe : « Ce sont les
ordres de * Rex. » Pressé comme à son habitude, il
me quitte pour d’autres rendez-vous.

    Je rentre aussitôt chez moi, impatient de cacher
l’argent, mais aussi de découvrir le contenu des
trois feuillets. J’ai beau en recevoir quotidiennement de * Rex depuis des mois, ceux-ci sont particuliers : ils contiennent ses ultimes recommandations
avant l’inquiétanteséparation 1  :

Samedi 15 heures,

    J’ai entendu à 1 h 15 aujourd’hui certaine phrase
[13 février à la BBC] qui m’oblige à repartir [sur le
terrain] avant de vous avoir vu et je m’en excuse.

    Ci-joint un certain nombre de plis à remettre.

    N’oubliez pas Claudie lundi, à l’heure habituelle, au « Jardin des Muses ».

    Vous lui remettrez ce qui lui revient. Vous le
convoquerez également pour dans huit jours et
ainsi de suite. Sans qu’il sache rien, vous lui
remettrez enfin, à la fin du mois, 3 500 F.

    À la même date, vous irez de même porter
300 F à ma logeuse. Elle a déjà un acompte de
100 F pour mars.

    Merci et bien vôtre,

    Max.

Mon cher Alain,

    Sur le terrain, je fais cet ultime mot pour vous
rappeler que les quatre partants par l’autre voie
[opération maritime] (20 fév.) sont :

    1. D’Aragon ex-chef départemental C [Combat] ;
et délégué par les 3 mvs [mouvements].

    2. Suffren, dit Fabius.

    3. Marin ou qq. le représentant.

    Tenez le contact avec C.

    En ce qui concerne Frédéric, si vous le voyez à
son passage dites-lui de prendre contact avec FT
[Franc-Tireur], qui a des choses intéressantes à
lui dire (liaisons, contacts, etc.).

    Et si possible avec Éric [ * Crib].

    Encore bien vôtre,

    MX.

Samedi soir,

    Mon cher Alain,

    Deux mots en hâte pour vous dire que, lorsque
ce mot vous sera remis, nous serons partis.

    Je vous rappelle que j’espère que « tout va bien
entre cour et jardin 2   ».

    Pour Champdieu [Georges Cotton, chef de
France d’abord], qu’il fasse le nécessaire auprès
des mts [mouvements]. Mais je n’ai pas eu le
temps d’en parler.

    Pour le Témoignage [chrétien], d’accord [versement du budget].

    Pour Dujardin, d’accord également.

    Ci-joint un pli pour Claudie.

    Faites renouveler ma carte d’alimentation.

    Prévenez Salm.

    J’ai eu des échos très désagréables avec Jean
Boyer dit Jean Biche [en réalité, c’est l’inverse :
Jean Biche, dit Jean * Boyer] qui va de région en
région dévoilant le nom de tout le monde, y compris le mien et se couvrant de titres et de rôles
qu’il n’a pas. Très dangereux. Je le signale là-bas.
J’ai prévenu Bernard [d’Astier]. Rappelez-le à FT
et C qui sont d’ailleurs au courant puisque C m’a
déjà écrit plusieurs fois à son sujet.

    Il faudrait pouvoir le prévenir qu’il ait à rester
tranquille, sans que cela vienne de nous.

    Merci encore, mon cher Alain, pour votre
bonne collaboration et mes affectueux souvenirs,

    MX.

    Les derniers mots de ce billet devraient me rassurer sur le jugement de * Rex à mon égard : ils traduisent, dans son style retenu, les sentiments que
j’éprouve pour lui en des termes plus « effervescents ».
Ce matin, pourtant, je ne considère qu’une chose : il
est parti et je suis orphelin.

    Depuis sept mois, c’est la première fois que je me
retrouve seul à Lyon, sans le moindre secours. On
sait que, durant ses absences précédentes, notre
liaison demeurait quotidienne avec le terrain où il
attendait son départ. En cas d’urgence, je pouvais le
rejoindre en une heure de train. Ce matin, il est à
Londres : inaccessible exil puisque notre seul lien
dépend d’une radio pour le moins intermittente.

    Et puis, il y a la meute des chefs.

    Heureusement, je déjeune avec Maurice de
Cheveigné, qui saura me remonter. De tous les services, la radio est le seul qui, pour une raison ou
pour une autre, fonctionne mal, peut-être parce
qu’il est le plus exposé. Ma désignation à la tête de
la WT a paré au plus pressé, mais elle ne change
rien à la réalité : la quasi-totalité du trafic est