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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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nouvelle ne vient jamais seule

    Hier, Briant m’a entraîné hors de la hut avec un
air de conspirateur : « C’est pour le 10. » Il n’a pas
besoin de m’en dire plus.

    Pleurs de joie : je suis accepté au BCRA ! Simultanément, j’apprends ma nomination au grade
d’aspirant. En dépit de mon indifférence pour les
hiérarchies militaires, je suis fier de cette promotion inattendue, peut-être parce qu’elle me sembleimméritée 11 .

    Aujourd’hui, je me rends à Londres pour commander un uniforme neuf chez Austin Reed, dansRegent Street. Un rayon du magasin est spécialisé
dans la coupe d’uniformes français. Après avoir pris
des mesures, le tailleur me demande mon nom.
S’exprimant dans un français châtié, il m’interroge :
« Cordier, de Pau ? »

    Surpris par cette question que personne ne m’a
jamais posée, je réponds par l’affirmative. Il m’explique qu’il a été le directeur d’Old England à Pau, où
il taillait tous les costumes de mon beau-père depuis
1925. Ayant quitté la France quelques jours après
moi, il a revu ma mère qui, en pleurant, lui a raconté
mon départ. Elle lui a demandé d’essayer de me
retrouver en Grande-Bretagne et de lui envoyer des
nouvelles.

    Cette conversation inattendue me bouleverse.
Brusquement, un lien charnel s’établit avec ma
famille et avec la France. J’ai envie de pleurer.

    ----
    1 .   Une dizaine de cadets anglais, nos voisins, ont été tués au
cours d’un bombardement.
    2 .   À notre surprise, nous découvrîmes dans France que les chefs
avaient été transformés en « indigènes ». Un fou rire s’empara de la hut quand nous comprîmes qu’il s’agissait d’une coquille. À partir
de cette date, nous désignâmes les hommes de Vichy sous le sobriquet de « chefs indigènes ».
    3 .   Le chiffre de trente-cinq mille nous parut considérable. Nous
ignorions encore que l’armée d’armistice de Vichy comptait cent
mille hommes, plus l’armée d’Afrique, la flotte française (la
deuxième du monde) et que l’Empire français avait rallié Vichy…
    4 .   Relisant cette lettre aujourd’hui, j’ai peine à comprendre ma
réaction d’alors. Concernant la guerre, elle n’exprime rien d’autre
que les craintes de tous les parents sachant leur enfant en danger :
la guerre est le calvaire des familles. Ce n’était pas tant l’inquiétude
que les conseils de prudence qui me révoltaient. Je n’étais plus un
enfant. Mon départ de France avait instauré un nouveau statut :
celui d’un homme libre, qui n’acceptait aucune limitation à sa
liberté.
    5 .   Le jour où mon successeur vint prendre les consignes, je lui
remis mon inventaire. Tout était en ordre. Je commençais à examiner chaque dossier en détail avec lui lorsqu’il m’arrêta : « Inutile de
perdre son temps à ces paperasses : avec toi je suis tranquille ; tu
nous a tellement embêtés avec tes contrôles que je suis sûr que ce
sont les inventaires les plus exacts de la France libre. » Accablé par
ce compliment trompeur, je feignis la modestie : « Il ne faut jamais
se fier aux apparences. »
    6 .   Bureau central de renseignements et d’action, créé en
juillet 1940 à Londres par André Dewavrin, alias le colonel * Passy.
    7 .   Raymond Lagier.
    8 .   En dépit de l’humour qu’Henri Hauck manifesta ce jour-là,
notre rencontre l’avait affecté plus qu’il n’avait paru. À la suite de
ma visite, il écrivit, le 7 août, une lettre au professeur René Cassin
que j’ai retrouvée dans les archives (382 AP 31) : « J’ai l’honneur de
porter à votre connaissance qu’il y a environ quatre semaines, j’ai
reçu la visite du sergent Cordier, des Forces françaises libres (qui,
depuis, me dit-on, a été promu au grade d’aspirant). Le sergent
Cordier m’a dit qu’il tenait à se faire auprès de moi l’écho des sentiments d’un grand nombre de ses camarades, qui sont, semble-t-il, profondément choqués des articles qui paraissent parfois dans France sous ma signature, et des causeries radiodiffusées que je
fais dans les émissions du matin, destinées aux travailleurs français. Il a ajouté, tout en se défendant de partager à cet égard les
vues de ses camarades, que beaucoup d’entre eux ne rêvaient que
de me “jeter à l’eau”. J’ai fait observer au sergent Cordier que les
articles que j’ai publiés dans France n’avaient jamais contenu que
des idées qui

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