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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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mon affectation.

    Cette première année d’exil a été rude, mais il n’en
demeure, par la grâce de la rupture, qu’un passé de
rires et d’amitiés. Je ne regrette rien. Après ces derniers mois d’inaction démoralisante, il n’est que
temps de quitter cette prison.

    À Manchester, puisque telle est notre destination,
d’autres camionnettes nous attendent. Nous roulons quelque temps dans la campagne puis arrivons
à Ringway :STS 1  51.

    Dirigée par les Britanniques, Ringway est une
école d’entraînement des parachutistes installée dans
un élégant château de brique au squelette de pierre.
Entouré d’un parc mystérieux, il rayonne d’un charme
de grandes vacances.

    Un sergent anglais nous conduit à notre dortoir
et annonce le programme de demain : gymnastique
au réveil, suivie, dans la matinée, du premier vol en
avion. Les jours suivants, nous devrons effectuercinq sauts en parachute, obligatoires pour obtenir
notre brevet.

    Ma surprise est totale. J’ai quitté Old Dean avec
l’espoir de rejoindre immédiatement la France, mais
je ne me suis jamais interrogé sur le mode de transport. Depuis que je proclame ma volonté d’affronter
les situations extrêmes, mon désir est exaucé : l’aventure est au rendez-vous, même si ce n’est pas celle
que j’espérais.

    Lundi 11 août 1941

     

    Baptême de l’air

    Nous n’avons guère le temps de goûter au charme
de la propriété. Dès 7 heures ce matin, nous sommes pris en main par un instructeur. Si nous avions
eu quelques doutes sur l’efficacité de l’armée britannique, la leçon de gymnastique qu’il nous inflige
nous convaincrait du contraire.

    En dépit d’une année d’entraînement intensif, elle
nous broie les muscles : de retour dans nos chambres, nous y passons le reste de la matinée, disloqués
sur nos lits.

    Cet après-midi, perclus de douleur, nous marchons avec peine pour rejoindre notre avion. L’instructeur nous fait allonger à plat ventre autour de la
trappe afin d’observer le sol à diverses altitudes  : nous
devons nous habituer à évaluer les distances d’atterrissage. Aucun de nous n’est jamais monté en avion.

    Le spectacle est impressionnant. À deux mille
mètres, la terre me paraît déjà loin. Redescendus
après ce baptême de l’air, nous effectuons encorequelques exercices sous un hangar. Une trappe
identique à celle de l’avion y a été construite, entourée d’un échafaudage sur lequel nous montons par
une échelle.

    Assis au bord du trou en forme d’entonnoir, les
mains appuyées sur le rebord, les jambes pendantes, nous devons sauter en nous projetant au milieu
d’une forte poussée des mains. Trois mètres plus
bas, nous atterrissons sur un épais matelas. Curieusement, je suis plus anxieux d’effectuer cet exercice
ne présentant aucun danger qu’à la perspective de
sauter dans le vide. À tel point qu’après le dîner,
étant retourné au hangar pour m’entraîner seul, j’ai
peur de me lancer dans le vide et redescends, penaud,
par l’échelle.

    Mardi 12 août 1941

     

    Premier saut

    Après une gymnastique identique à celle d’hier,
nous montons dans l’avion avec nos parachutes. Pour
ce premier saut, le pilote nous largue à deux mille
mètres afin de nous donner le temps de nous habituer à manœuvrer le parachute en tirant sur les suspentes.

    Notre groupe est au complet. De par l’ordre alphabétique, je monte le premier dans l’avion et suis le
dernier à sauter : attente interminable, que les conditions de vol transforment en torture. Afin de nous
larguer avec précision au-dessus du terrain, l’avion
ne lâche qu’un seul parachutiste à la fois.

    Après avoir ralenti, il accélère brusquement,reprend de la vitesse et de l’altitude et effectue un
cercle au-dessus de la campagne avant de repasser
à l’aplomb de l’aérodrome. Le vieux Whitley, bimoteur à hélices dans lequel nous sommes entassés,
tremble de toute sa carcasse dans un bruit assourdissant. À l’intérieur, le mélange d’huile, d’essence
et de graisse chaude dégage une odeur écœurante.
Le moment le plus éprouvant est le ralentissement,
lorsque l’avion se cabre avant de retomber, au hasard
des trous d’air.

    Ballotté comme une feuille morte, j’ai les mains
moites et l’estomac barbouillé. Afin de ranimer mon
courage, je récite à haute voix — personne ne peut
m’entendre — des vers de Verlaine : « Voici des
fruits, des

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