Aliénor d'Aquitaine

imprégnée de la culture du Sud de la France qui se heurta à l’hostilité dans les cours royales du Nord, d’abord à Paris puis plus tard en Angleterre. Aucun commentaire non plus sur un sujet du plus grand intérêt pour les admirateurs de la littérature médiévale : son rôle présumé, à la fois dans son Poitou natal et en Angleterre, de mécène littéraire, qui diffusait l’amour courtois à travers les poèmes lyriques des troubadours et les romans chevaleresques. Dans la mesure où les chroniqueurs désapprouvaient la participation des femmes au pouvoir, ils donnent peu d’informations sur le rôle politique d’Aliénor dans les cours de ses deux époux ou sur ses activités dans les affaires de son propre duché, si ce n’est pour reconnaître son droit héréditaire à le posséder.
    Un biographe sérieux ne peut se contenter de ces écrits partiels et tendancieux et doit chercher d’autres témoignages afin de dresser un portrait plus complet d’Aliénor d’Aquitaine. Il existe une seconde catégorie de sources écrites qui ne fournissent des renseignements biographiques que de façon incidente, un assortiment de documents d’archives non narratifs qui a survécu jusqu’à nos jours, la plupart d’entre eux issus du travail des gouvernements royaux ou de l’Église. Certains furent conçus pour être conservés et servir d’archives judiciaires permanentes, mais beaucoup n’avaient qu’une utilité temporaire et subsistent seulement par pure chance. Ces matériaux, quoiquepeu nombreux, peuvent être rassemblés pour former une image plus nette d’Aliénor dans ses fonctions de reine et de duchesse. Ne pas les considérer revient à sous-estimer une partie importante de sa vie, celle qu’elle a passée à gouverner son duché d’Aquitaine et les royaumes de sesdeuxmaris. Près de 200 documents émis par Aliénor elle-même sont répertoriés, une vingtaine seulement datant de son mariage avecLouis  VII et environ 160 de l’époque où elle fut épouse puis veuve d’Henri  II XIII . La plupart d’entre eux sont des chartes, les documents médiévaux les plus courants de nos jours. Ce sont des actes solennels de cession de terres ou de privilèges, considérés comme des preuves de droits permanentes pour les procédures judiciaires et conservés soigneusement par les églises et les monastères. Même si les chartes sont des documents figés à des moments précis de l’histoire, un minutieux travail d’enquête, s’appliquant à les analyser à l’aide de connaissances durement acquises sur le sujet, peut permettre d’en déchiffrer le sens. Parmi les documents d’Aliénor figurent aujourd’hui peu d’éléments de sa propre correspondance, pas plus d’une demi-douzaine de lettres. Il subsiste néanmoins les lettres d’autres personnes qui fréquentaient la cour royale, dont certaines lui sont adressées, et qui nous offrent un aperçu de sa vie en ces lieux.
    Plus de matériaux ont survécu en Angleterre qu’en France, cependant les documents anglais datant de l’époque d’Aliénor sont rares eux aussi. Les archives financières sont les plus impressionnantes grâce aux pipe rolls , les relevés des comptes annuels des sheriffs présentés à l’Échiquier qui consignent les recettes et les dépenses royales. Uniques dans toute l’Europe du xii e  siècle, ils livrent des détails inestimables sur la vie quotidienne d’Aliénor en tant que reine d’Angleterre, sur son budget pour les tissus de choix, les mets délicats et le vin, sur les rétributions qu’elle allouait aux serviteurs ainsi que sur les récompenses qu’elle attribuait aux favoris, attestant sa grande fortune. Les autres documents publics anglais qui demeurent sont les mandements, de brèves lettres royales en général adressées aux sheriffs ordonnant l’exécution d’un ordre, souvent en réponse à la plainte d’un requérant.La chancellerie royale, ou secrétariat, rédigeait d’innombrables mandements, mais seule une infime fraction a survécu, car ils étaient habituellement supprimés une fois qu’ils avaient rempli leur fonction. Une poignée seulement des mandements d’Aliénor nous est donc parvenue, mais ceux-ci sont déterminants pour apprécier son autorité en tant que reine d’Angleterre, du temps où elle officiait comme régente d’Henri  II lors de ses nombreuses absences du royaume.
    Sources primaires
    Adémar de Chabannes, Chronique , intr. et trad. Yves