Aliénor d'Aquitaine
écrivirent par la suite dans l’Angleterre médiévale exploitèrent abondamment cet ensemble dechroniques et exagérèrent à outrance leurs allusions voilées à la conduite d’Aliénor. Ces chroniqueurs de l’« âge d’or » ont continué à influencer les auteurs modernes, bien qu’ils aient rarement été témoins des événements de la vie de leur reine, écrivant souvent plusieurs décennies après. Ils offrent une palette qui permet de peindre le portrait d’Aliénor, mais mêlés à leurs teintes se trouvent les médisances et les rumeurs, de même que leurs propres idées préconçues, autant de taches qui continuent à jeter une ombre néfaste sur ce personnage.
Tous ces chroniqueurs appartenaient aux ordres religieux. Cinq d’entre eux étaient des prêtres séculiers attachés à la cour royale :Roger de Howden († v. 1203),Raoul de Diceto († 1201), Gautier Map († v. 1210),Giraud de Barri († v. 1223) etRaoul Niger († v. 1199). Quatre autres vivaient dans des monastères :Gervais de Canterbury († v. 1210),Raoul de Coggeshall († 1218),Richard de Devizes († v. 1200) etGuillaume de Newburgh († v. 1198 IX ). Ayant commencé leur carrière ecclésiastique durant la seconde moitié du règne d’Henri II , tous font état dans leurs écrits du traumatisme consécutif au martyre de l’archevêqueThomas Becket à la fin de 1170, qui avait anéanti la réputation du roi parmi les gens d’Église. La mort deBecket altéra leur vision de la famille royale, dont ils condamnaient l’existence immorale, en particulier celle d’Aliénor, une femme impliquée dans la vie publique qui éveillait leur suspicion. Néanmoins, l’un des auteurs moines,Richard de Devizes, est beaucoup plus positif dans son traitement d’Aliénor que ses semblables. Écrivant vers la fin de la vie de la reine mère, il exprime son admiration pour sa défense acharnée des intérêts deRichard, son fils préféré, pendant sa longue absence lors de la troisième croisade.
Les clercs séculiers entretenaient tous des liens avec la maison royale, etHowden commeDiceto représentent en quelque sorte des historiens semi-officiels de par leur accès aux courtisans et aux documents officiels, mais en aucun cas ils n’étaient des défenseurs de la royauté. Leur traitement d’Aliénor s’approche de la neutralité, même s’ils ne peuvent passer sous silence certains épisodes déplaisants de sa longue existence. Gautier Map etGiraud de Barri, quant à eux, n’étaient pas des chroniqueurs au sens strict mais des courtisans qui écrivaient des œuvres satiriques dans lesquelles la rhétorique l’emporte sur les faits.Leur esprit caustique les rend attrayants, et les auteurs modernes ne peuvent résister à les citer. Le livre de Map De nugis curialum , écrit entre 1181 et 1192, est un recueil d’anecdotes exposant la corruption de la cour royale anglaise et la bêtise des courtisans.Giraud de Barri, dont la recherche avide de mécénat fut contrariée, écrivit environ une décennie plus tard et s’avéra très malveillant dans sa dénonciation d’Henri II et de toute sa famille. Développant certaines allégations empruntées à l’ouvrage de Map,Giraud remplit son livre De principis instructione de propagande anti-Plantagenêt, calomniant Aliénor au même titre qu’Henri et leurs fils.Raoul Niger, commeGiraud, s’était associé à la royauté anglaise après des études à Paris, mais il réussit encore moins à être en faveur. Son soutien à la cause deThomas Becket entraîna son bannissement d’Angleterre, et il revint sur l’île seulement à la mort d’Henri II . Dans les deux chroniques deRaoul qui datent du règne deRichard, son hostilité enversHenri ne s’étend pas toutefois à Aliénor, qu’il avait peut-être rencontrée à Poitiers dans les années 1160 et de nouveau en Angleterre dans les années 1190.
En leur qualité d’hommes d’Église, ces chroniqueurs étaient enclins à interpréter les événements et à juger les personnalités selon les enseignements chrétiens. Ils furent influencés, ce qui n’est guère étonnant, par certaines traditions de l’écriture historique établies par les Pères de l’Église, en particulier la conviction que l’histoire sert à consigner le progrès humain vers la Rédemption. Les chroniqueurs du xii e siècle souhaitaient que leurs récits impressionnent les lecteurs par la manifestation de la toute-puissance de Dieu à
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