Amours Celtes sexe et magie
servir au système socio-économique en vigueur avant de lui permettre de se manifester dans le couple, « le samedi soir après le turbin », comme on dit vulgairement, après avoir satisfait les exigences de vie et de survie du groupe social considéré comme une famille élargie. L’énergie étant précieuse, et étant réservée prioritairement au travail nécessaire à la survie de ce groupe, ce ne peut être qu’ après (en fin de semaine ou dans un au-delà promis en tant que récompense suprême) que ce principe de plaisir peut être satisfait. C’est la justification la plus incontestable du mariage en tant qu’institution sociale et économique.
Mais comme tout acte religieux appartient d’emblée au phénomène social et que toute religion institutionnelle se fait la servante, volontaire ou non, de la société dont elle n’est en réalité qu’une émanation provisoire, ce déplacement de l’instinct de plaisir finit par devenir un impératif moral et aboutit obligatoirement à un dogme religieux. C’est avec l’assentiment et la bénédiction de l’Église catholique romaine, en vertu du verset biblique « croissez et multipliez », pour la plus grande gloire – et le plus grand bénéfice – de la bourgeoisie chrétienne du XIX e siècle, qu’a été fondé le « dogme » du prolétariat : Faites beaucoup d’enfants, car on a besoin de bras dans nos ateliers, dans nos usines, dans nos mines et dans nos champs. Cette règle à la fois sociale et religieuse est parallèle à celle qui prétend qu’il faut des fils à la nation pour la défendre contre ses ennemis, autrement dit, il faut de la chair à canon. Et l’Église catholique romaine, en dépit de ses origines anti-étatiques et pacifistes, en est venu à cautionner, en reniant totalement ses principes fondateurs, la tristement célèbre « alliance du sabre et du goupillon ».
On s’en aperçoit aisément, même dans des régimes qui prônent la laïcité et légifèrent sur la séparation de l’Église et de l’État. Au XIX e siècle, il fallait des ouvriers, même si ceux-ci devaient être misérables. Il fallait également des soldats. Qu’à cela ne tienne ! l’Église était là pour rappeler à tout chrétien ses devoirs de bon citoyen, se faisant ainsi la complice des exploiteurs de tous bords. L’histoire nous le révèle : après une guerre, ou une catastrophe naturelle, on se trouve plongé dans une période de politique nataliste à la fois civile et religieuse. Il faut remplacer les pertes. Cette constatation est valable pour toutes les civilisations et à toutes les époques. Par contre, en période faste, quand il n’y a pas de « trous à boucher », la morale civile et religieuse devient plus souple et l’on fait appel à la régulation des naissances, aussi bien par des moyens anticonceptionnels que des méthodes plus radicales qui relèvent de l’eugénisme le plus absolu pour ne pas dire de cette sinistre et épouvantable idéologie nazie qui s’est répandue au cours du XX e siècle sur une bonne partie du monde. La nature n’est ni bonne ni mauvaise : elle est . Mais si elle se présente parfois de façon impitoyable, il faut bien avouer que ce sont les humains eux-mêmes qui l’interprètent ou la manipulent selon les circonstances et selon l’idéologie dominante.
Le mariage n’est donc, en définitive, qu’un acte social et économique, haussé au rang d’un « sacrement », c’est-à-dire sacré et obligatoire, fondateur de la famille, elle-même cellule de base de toute société. C’est évidemment la canalisation des pulsions sexuelles inhérentes à l’être humain et leur récupération dans un contexte qui dépasse de loin l’individu. Peu importe qui a des relations sexuelles avec qui pourvu que ces relations soient en conformité avec les besoins, les impératifs et les perspectives du groupe social auquel on appartient. Et, conséquence inéluctable de cette réalité, le mariage n’a aucun lien cohérent avec ce qu’on appelle l’amour. Le « mariage d’amour », qui fait tant pleurer dans les chaumières, surtout quand il s’agit de héros princiers, est un leurre. Et s’il fait illusion, c’est parce que, comme l’a magnifiquement démontré Denis de Rougemont dans son essai sur L’Amour et l’Occident , le judéo-christianisme, en tant qu’institution sociale, a récupéré l’affectif au profit de l’utilitaire.
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